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souris et toute sa famille ; — un chien qui, dans l’exil, apprend l’art de parvenir ; — un ours qui trahit son maître, le roi loup, dès qu’il apprend que le lion vient reconquérir son trône, à la tête d’une nombreuse armée ; — un bœuf, qui devenu grand ministre dans le troupeau déconsidère sa famille, à commencer par son neveu, le veau ; — un âne enfin qui fait ses observations critiques au rossignol sur sa façon de chanter ; — voilà les sujets de cette nouvelle série de fables. Ces fables sont néanmoins plus inspirées de La Fontaine qu’on ne pense. Ôtez l’expression par le vers libre, supprimez l’enseignement philosophique ou la tendance, inventez même des sujets nouveaux, il y restera toujours assez de quoi rappeler La Fontaine. Et, en effet, dans l’espace de six ans, Alexandresco s’était approprié deux des grandes qualités du grand maître : le don d’intervenir au milieu de son récit, et celui d’y mêler le pittoresque du détail :


D’autres à ma place s’amuseraient à vous décrire
Ces inflexions de voix inimitables (du rossignol) que vous connaissez…
Moi, je me contenterai de vous dire que…

Nous ne savons pas si c’était un renard ou autre chose ;
Mais il portait une tresse sur le dos,
Ses cheveux tiraient sur le jaune
Et ses yeux étaient étincelants…
— Pourquoi me fuyez-vous, cher monsieur ?
Est-ce que je vous fais du mal ? Est-ce que je vous chasse ?
À quel point je désire le bien de la gent souricière
Et à quel point vous m’êtes personnellement cher, Dieu seul le sait…
Je connais toutes les souffrances que vous ont fait endurer mes frères…


III

Le troisième recueil d’Alexandresco, Poésies, 1842, contient huit élégies, de moins en moins lamartiniennes, quatorze fables, de plus en plus dans le goût de La Fontaine, une Satire à mon esprit, trois épîtres et cinq épigrammes qui font prononcer encore une fois le nom de Boileau.

On y retrouve l’auteur aussi amoureux qu’il l’était à la fin de son second recueil. Mais il ne l’est plus de la même personne. Cette fois-ci, c’est Émilie qui règne dans son cœur. Elle lui fera voir la vie et la poésie sous un autre aspect, tout à fait nouveau ; et ce ne sera pas seulement Élise, mais aussi