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dans le passé. L’Université doit d’autant plus se surveiller elle-même que d’autres la surveillent et la surveilleront chaque jour davantage. Elle le comprend sans doute ; mais le cas de M. Thalamas montre que tous ses membres ne le comprennent pas également, et qu’il y a pour le moins des exceptions parmi eux. Ces exceptions sont malencontreuses. M. le ministre de l’Instruction publique a envoyé M. Thalamas professer dans un autre lycée de Paris : c’est peut-être avoir déplacé le mal. Il aurait fallu, pour le moins, charger M. Thalamas d’un cours où il n’aurait pas eu à parler de Jeanne d’Arc. Que ne se consacre-t-il à l’histoire ancienne ? Ses procédés prétendus scientifiques y auraient moins d’inconvéniens : et toutefois ils en auraient encore, car on ne peut nulle part se passer de convenance, de tact et de goût. L’affaire Thalamas a agité l’opinion pendant quelques jours, et c’est un trait de plus à ajouter au tableau de nos mœurs nouvelles.

Signalons, un peu pour mémoire, le vote par le Sénat de nos arrangemens avec l’Angleterre, ou plutôt de celui de ces arrangemens qui se rapporte à la question de Terre-Neuve. Dans la discussion, il représentait en quelque sorte tous les autres, auxquels il était d’ailleurs lié. L’approbation qui lui a été donnée porte donc sur l’ensemble de ces arrangemens et sur la politique dont ils ont été l’expression. Pris séparément, chacun d’eux soulève des objections, et on en a fait de très vives, de très ardentes, de très passionnées, voire de très exagérées à celui de Terre-Neuve. S’il a été voté à une aussi grande majorité, c’est que le Sénat, abstraction faite de certains détails de la question où sa pensée est restée perplexe, tenait à manifester qu’il approuvait, avec toute la force de sa raison politique, l’heureux rapprochement qui s’est opéré dans ces derniers temps entre la France et l’Angleterre. Il a estimé qu’il devait, si cela était nécessaire, sacrifier quelque chose à cet intérêt primordial, et peut-être même a-t-il cru lui sacrifier plus qu’il ne l’a fait réellement.

Malgré les discours lumineux et précis de l’éminent rapporteur de la loi, M. le baron de Courcel, et de M. le ministre des Affaires étrangères, le Sénat est resté ému des attaques dont l’arrangement de Terre-Neuve a été l’objet. Deux discours en particulier, ceux de M. Richard Waddington et de M. l’amiral de Cuverville, lui ont inspiré des craintes pour l’avenir de nos pêcheries, et même pour le recrutement de notre marine de guerre dont les pêcheurs de Terre-Neuve sont un des élémens les plus précieux. Évidemment, nous avons cédé quelque chose, et M. de Courcel l’a fort bien expliqué : la preuve en est qu’on nous a