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et je me trompe fort, ou cette solution ne se fera pas attendre longtemps. »

En fait de solution, il n’en existait qu’une qui pût plaire au Roi : celle qui lui rouvrirait son royaume, en prouvant aux Français rendus à eux-mêmes, grâce à la paix, que l’unique remède à leurs maux, c’était la restauration de leur légitime souverain. On lui disait de toutes parts que cette opinion se répandait de plus en plus en France, que le parti royaliste ne cessait de grossir, que les vœux de tous les bons citoyens étaient en faveur du Roi. Mais était-ce vrai ? Ne le trompait-on pas ? L’avenir seul pouvait le lui apprendre. En attendant, rien ne lui réussissait. Tous les événemens semblaient tourner contre lui, et la gloire de Bonaparte se préparait à retarder de dix-sept ans le retour des Bourbons dans leur patrie.

Quiconque eût alors prédit à leur chef que son exil devait durer si longtemps encore eût sûrement provoqué d’énergiques dénégations ; il ne pouvait croire, il ne croyait pas que son triomphe fût si lointain. Cependant les événemens se prononçaient au rebours de ses vœux. Quoiqu’il vînt de s’installer à Blanckenberg dans une maison plus commode et plus vaste que celle qu’il avait habitée jusque-là, il se savait toujours exposé à être chassé de cette pauvre bourgade, n’osait plus compter sur l’asile qu’il avait espéré en Westphalie et se voyait au moment d’être contraint d’accepter l’hospitalité que le Tsar lui offrait à Mitau.

À ce même moment, l’armée de Condé, — sa dernière ressource, — passée au service de Paul Ier, s’acheminait tristement vers la Pologne, tournant le dos à la France, et lui-même devrait bientôt la suivre, aller encore plus loin qu’elle, jusque dans ces contrées perdues de la Courlande où l’accueil qu’on lui réservait, si flatteur qu’il fût, ne le consolerait pas d’être si loin de son frère, si loin des Tuileries et de Versailles, si loin des frontières françaises et des villes de l’étranger où s’agitaient ses partisans. Ces douloureuses perspectives n’ébranlaient cependant ni son courage, ni sa confiance ; elles n’altéraient en rien non plus la tendresse qu’il avait vouée à sa nièce et qui semblait s’augmenter au fur et à mesure qu’il pouvait craindre davantage de voir s’élargir la distance qui le séparait de son pays. Elle s’exprimait toujours plus vive et plus ardente, comme s’il eût déjà prévu tout ce que lui verserait de bonheur et de