Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 25.djvu/174

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sa tête blonde d’intéressans souvenirs de Pretoria. Point d’éclats de voix, point de rires bruyans ; ces filles du peuple s’efforcent évidemment de ressembler aux dames autant que possible. Elles sont gaies cependant, d’une gaîté contenue ; je demande à l’une d’elles, gentille petite brodeuse, ce qu’elles feront le soir, une fois revenues à Londres, et elle me dit : « Nous irons redanser au club. » Ce commencement de bal les a mises en train.

De cavaliers elles ne se soucient guère, les trouvant rarement dignes d’elles. Elles n’ont pas accordé un regard aux garçons du village qui, toujours en raison du Bank Holiday, ont tout à eux, dans le parc, le terrain de tennis ; et les joueurs, absorbés par leur partie, ne se sont pas davantage occupés d’elles. Mais ceci ne prouve rien. Elles se marient jeunes, règle générale, trop jeunes… Le mariage d’amour est de son espèce imprévoyant ; il en résulte beaucoup d’enfans et de misère. En attendant, c’est un joli spectacle que cette fête champêtre sur la pelouse devant la maison du XVIIIe siècle, si parfaitement anglaise, enveloppée de jardins dont les couleurs et les parfums s’endorment lentement dans le calme du soir, tandis que s’éteint le chant du violon et que les danseuses s’arrêtent inassouvies.

Le signal du départ leur est donné par une distribution de fleurs ; chacune d’elles reçoit un bouquet avec une petite écharpe de soie, un peu de superflu, un peu d’inutile beauté, cette chose inappréciable pour qui n’a jamais eu que le strict, et dur, et trivial nécessaire. Elles remontent gaiement dans les voitures qui les ont amenées, en poussant des hourrahs avec discrétion et en agitant leurs mouchoirs.


III. — PARCS ET JARDINS

Et maintenant que Stocks est rendu à son calme coutumier, j’en voudrais faire sentir le charme intime qui, même loin de lui, me pénètre encore. On a bien souvent parlé de la campagne anglaise, mais la louange en ce qui la concerne ne saurait être épuisée. Sans doute elle est si belle parce qu’elle est aimée, sincèrement, passionnément aimée par ceux qui la possèdent, ou qu’elle possède plutôt, qu’elle attire et retient presque en toute saison, qui comprennent tout d’elle, même les grâces les plus humbles et les plus cachées. Les citadins qui n’habitent la campagne qu’en passant, n’en jouiront jamais ; elle ne se livre pas