Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 25.djvu/201

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

navigation, ce fut la rencontre de deux vaisseaux de commerce anglais ; ils furent pris, pour les empêcher de porter en Amérique la nouvelle de notre arrivée. En effet, le 7 juillet, sans que rien eût encore annoncé leur présence, les douze vaisseaux arrivaient dans la baie Delaware. Le mouillage, qui n’était pas sans danger, se fit avec un plein succès, malgré le manque de pilotes. Mais les Anglais étaient partis. Quinze jours environ de retard avaient empêché d’Estaing d’exécuter son plan.

Clinton, dont la position à Philadelphie risquait de devenir critique, avait évacué cette ville, le 22 juin, dans la direction de New-York. Il avait donné ordre à Howe de quitter la croisière de la Delaware, et de venir s’établir dans la baie de Sandy Hook. Ces deux mouvemens s’étaient effectués parallèlement par terre et par mer. Clinton et Howe s’étaient rejoints à Sandy Hook ; de cet endroit à New-York, l’armée anglaise avait passé sur l’escadre. Clinton était sauvé.

Qu’allait faire d’Estaing à présent que le nid était vide ? Ses instructions étaient peu précises ; ce qui se comprend à cause de la distance, du temps qui devait s’écouler, et surtout à cause de la connaissance imparfaite qu’on avait à Versailles du théâtre de la guerre américaine. Elles lui disaient de faire ce qu’il croirait « le plus convenable ; » il avait une latitude complète d’attaquer les ennemis « là où il pourrait leur nuire davantage et où il le jugerait le plus utile aux intérêts de Sa Majesté ou à la gloire de ses armes. » Si la supériorité des Anglais sur mer ne lui permettait pas de rien tenter, il devait se retirera Boston, s’y ravitailler, et de là passer aux Antilles, où diverses opérations contre les îles anglaises lui étaient indiquées. Toutefois il lui était instamment recommandé de ne pas gagner les Antilles avant d’avoir fait « une action avantageuse aux Américains, glorieuse pour les armes du Roi, propre à manifester immédiatement la protection que Sa Majesté accorde à ses alliés. »

Pour répondre à l’esprit de ses instructions, d’Estaing se décida à aller tenter tout de suite devant Sandy Hook ce qu’il n’avait pu faire devant la Delaware. Il détacha la frégate la Chimère pour conduire à Philadelphie Gérard de Rayneval, puis il reprit la mer dès le 8 juillet. Il arriva à la hauteur de Sandy Hook environ quarante-huit heures plus tard. Il allait y rester onze jours, du 11 au 22 juillet.

Sandy Hook fut, en cette campagne de 1778, la première