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POÉSIES

LE BOIS DE PINS


Il faut avec une humble et paisible sagesse
Accepter la douceur de l’instant passager ;
Et la tristesse proche, ou le plaisir qu’on laisse,
Il n’en faut pas souffrir, il n’y faut pas songer.

Car le moment furtif se perd dans les pensées
De l’avenir lointain, des espoirs superflus
Ou bien dans le regret des heures dépensées,
Et l’amour déchirant de tout ce qui n’est plus.

Cette heure qui s’enfuit était belle peut-être
De ce charme secret dont nous parons demain ;
Cet air est pur et chaud, que le soleil pénètre.
Il faut oublier tout, sauf la soif et la faim.

Ainsi que l’aphrophore et que la libellule
Il faut jouir du jour brûlant et de l’été ;
Il faut comme les pins où le doux vent module,
Abandonner sa vie à la sérénité.

Et dans le bois bleuâtre où la pénombre accueille,
En contemplant les bonds d’un écureuil peureux,
Être pareil à l’herbe, à la fleur, à la feuille,
Tâcher d’ignorer tout, même qu’on est heureux.