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sanction qu’il comportait. L’a-t-il saisie ? Les fonctions du commandant Pasquier devant prendre fin dans quelques mois par suppression d’emploi, M. Berteaux a décidé qu’il ne les prolongerait pas. En d’autres termes, il a refusé à cet officier une faveur. El la Chambre a approuvé le gouvernement.

La discussion avait pris cependant, avec l’intervention de M. Paul Deschanel, l’ampleur qu’elle devait avoir. M. Deschanel n’était pas satisfait des explications embarrassées de M. le ministre de la Guerre, et il avait bien raison. La « parole d’honneur » du commandant Pasquier n’a d’autre importance morale que celle que chacun veut bien lui attribuer : aux yeux de personne elle ne pouvait décemment clore le débat. M. Pasquier n’avait pas fait deux fiches, soit : mais les autres ? Il y en a eu des milliers, et si nous savons ce que le gouvernement en pense, puisqu’il les a supprimées, nous en sommes toujours à attendre qu’il fasse quelque chose contre leurs auteurs. M. Berteaux veut rétablir dans l’armée la confiance et la camaraderie. C’est une excellente intention, mais qu’a-t-il fait jusqu’ici pour la réaliser ? Lorsqu’on le lui a demandé, il s’est perdu dans des digressions artificielles. Il a dit que la réaction, la dangereuse réaction ! et le cléricalisme, le redoutable cléricalisme ! cherchaient à exploiter les derniers incidens et qu’il ne le tolérerait pas. Soit : mais ce n’est pas ce dont il s’agit. Il a blâmé un colonel qui a fait jurer à ses officiers, sur le drapeau, qu’ils n’avaient commis aucun acte de délation. Le drapeau, a-t-il fait remarquer, n’est pas fait pour cet usage, et nous avouons nous-même ne pas aimer beaucoup cette mise en scène ; mais enfin elle n’a rien de répréhensible en soi, et entre l’acte de ce colonel demandant à ses officiers leur parole d’honneur qu’ils n’avaient pas trempé dans l’infamie, et celui de M. Berteaux demandant la sienne au commandant Pasquier, on ne voit pas très bien la différence : il n’y a que celle du drapeau, c’est-à-dire du décor. M. Deschanel s’est efforcé, mais en vain, de ramener le ministre à la question. Il lui a dit avec beaucoup de force ce que nous disions nous-même, il y a quinze jours, à savoir que les faits de délation, honteux partout où ils se produisent, méritent par surcroit dans l’armée une autre épithète, parce qu’ils revêtent un autre caractère. Non seulement ils détruisent entre officiers, et même entre soldats, cette confiance réciproque qui est le lien de l’armée, mais ils portent atteinte à la discipline qui en achève la cohésion. La hiérarchie militaire étant renversée, c’est celle de la franc-maçonnerie qui en prend la place. On voit alors l’inférieur dénoncer son supérieur, lui donner des notes,