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gémit, et l’opinion ne trouve de distraction que dans les scandales qui, hélas ! ne lui manquent pas.


Ce sera d’ailleurs notre seule allusion à celui qui la préoccupe si violemment depuis quelques jours. Nous ne voulons pas affecter d’ignorer ce dont tout le, monde parle, mais nous n’avons pour le moment rien à en dire. Les journaux sont remplis de détails contradictoires sur la mort de M. Syveton. On passe d’une hypothèse à une autre, accident, suicide, assassinat ; et, certes, nous pourrions en faire à notre tour ; mais aucune de celles que nous ferions ne nous satisferait nous-même, à supposer quelles satisfissent nos lecteurs, ce qui est douteux. Il y a des mystères qui ne s’éclaircissent jamais, et ce qui se passe en ce moment sous nos yeux serait plutôt de nature à nous inspirer des doutes sur la vérité de l’histoire qu’à nous encourager à l’écrire prématurément. Au reste, l’énorme incident dont il s’agit semble appartenir beaucoup plus à la chronique de la vie privée qu’à celle de la vie publique, et nous attendons encore qu’on nous en montre les rapports certains avec la politique proprement dite. M. Syveton a joué pendant quelques courtes années sur la scène du monde un rôle bruyant ; il a eu des amis et des ennemis également passionnés, ce qui donne à croire à ceux qui, comme nous, ne l’ont pas connu, qu’il n’était pas un homme indifférent. Toutefois sa mort a fait encore plus de bruit que sa vie, à cause des circonstances dramatiques et obscures qui l’ont entourée. On comprend mal pourquoi il se serait suicidé ; on ne comprend pas beaucoup mieux pourquoi on l’aurait tué. L’instruction, qui est encore ouverte, fera-t-elle la lumière ? En attendant, nous restons dans les ténèbres, et, n’ayant aucun moyen personnel de les dissiper, nous ne l’entreprendrons pas. Le plus sage, quand on ne sait rien, est de se taire et de se réserver.


Les dernières nouvelles de Tanger ne sont pas bonnes : elles sont de nature à causer une déception mêlée d’inquiétude à ceux qui ont cm que la question marocaine ne serait pas plus difficile à résoudre que ne l’a été autrefois la question tunisienne, et même qu’elle le serait moins puisqu’il a fallu faire en Tunisie un simulacre d’expédition militaire, tandis qu’on parlait au Maroc d’une pénétration purement pacifique. Ce mot de « pénétration pacifique » est même devenu très à la mode. On le trouve dans tous les journaux ; on le relève dans les conversations des hommes que l’on proclame compétens sur la