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beaucoup plus que tous les autres contribuables ensemble.

En France, il faut s’adresser à plus de 1 800 000 contribuables pour obtenir, sur l’ensemble de leur revenu industriel, commercial et mobilier, un impôt de 220 millions, soit une moyenne de 115 francs par tête.

Si l’impôt devait prélever sur 550 000 seulement de nos patentés et de nos porteurs de titres les 565 millions payés par les contribuables anglais de la cédule D, il ne serait plus impôt, mais spoliation.

En un mot, l’impôt en Angleterre peut matériellement, (toute considération de doctrine mise à part), s’adresser à un petit nombre de contribuables, et produire.

En France il faut qu’il s’adresse à tout le monde, sous peine de stérilité. Et, si l’on veut qu’il ne soit point stérile, il faut le rendre spoliateur.

Telle est la loi économique que les faits expriment eux-mêmes avec une indiscutable évidence.


On vient de voir comment l’income-tax fonctionne et peut fonctionner dans le Royaume-Uni ; il n’en faudrait pas conclure que les contribuables s’en réjouissent : ils s’en plaignent avec une infatigable vivacité, beaucoup plus que de tous leurs autres impôts, et, si elle dure encore, c’est par la difficulté de la remplacer. L’income-tax n’est pas davantage un système établi doctrinairement, à titre de réforme ; elle est un expédient violent, en quelque sorte une mesure de salut public surgie en pleine crise fiscale déterminée par la guerre étrangère. Elle n’est pas plus une institution normale que le rationnement des subsistances dans une ville assiégée. Son origine remonte à 1798 ; le Trésor était épuisé par la guerre contre la France, il fallait à tout prix trouver des ressources ; William Pitt proposa l’income-tax, non certes comme un progrès, mais comme un moyen de détresse, et en prenant l’engagement formel de la supprimer dans le plus bref délai.

Aussi, quatre ans plus tard, en 1802, dès la paix d’Amiens, l’income-tax était abolie. Dans l’intervalle, en 1799, l’income-tax, établie par cédules, avait été transformée en impôt « global » sur le revenu, comme on dit dans l’argot parlementaire devenu à la mode, et le taux en avait été fixé à 10 pour 100. Les difficultés, les résistances avaient été telles que, même si la paix ne fût pas