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sociales, plus de privilèges de naissance, plus de privilèges politiques, plus de propriété féodale aux origines séculaires ; l’égalité de tous les citoyens, comme chez nous ; la République, comme chez nous, plus que chez nous, heureusement pour les citoyens des États-Unis, car ils ont la chose où nous n’avons que le mot, — par dérision, semble-t-il. Si l’impôt général sur le revenu est établi et fonctionne bien aux Etats-Unis, on doit reconnaître que c’est Un exemple à discuter sérieusement.

Malheureusement pour les partisans du système, il n’existe pas aux États-Unis ; ou, plus exactement, il n’y existe plus. Les Américains l’ont expérimenté deux fois, et l’expérience fut si décisive qu’ils ne la recommenceront plus de sitôt ! Elle vaut d’être rapidement rappelée.

L’aventure remonte à 1862. Les États-Unis étaient déchirés par la guerre de Sécession, et le gouvernement se trouvait en présence de dépenses formidables et d’un Trésor épuisé. Le ministre des Finances ne savait où trouver les ressources nécessaires. Les passions populaires portées au paroxysme réclamaient des mesures contre les riches, tant pour alimenter le Trésor que pour égaliser les sacrifices. Les socialistes, au premier rang, signalaient l’impôt sur le revenu comme aussi nécessaire qu’efficace : le Congrès s’y résigna et vota, en juillet 4862, une loi établissant l’impôt sauveur.

Elle était conçue suivant les meilleures formules de l’art : les « pauvres » ménagés, les w riches » jugulés ; les précautions les plus ingénieuses et les plus rigoureuses prises de toutes parts pour découvrir et frapper la matière imposable. Nulle fuite possible ! Le succès était certain. L’accueil de la« réforme » par la foule fut enthousiaste, et la loi mise aussitôt en vigueur, de façon que le premier produit fût perçu le 30 juin 1863, sur le revenu de l’année 1862-1863.

Les revenus au-dessous de 3000 francs étaient exempts ; ceux de 3000 à 50 000 francs frappés d’une taxe de 3 pour 100 ; ceux de 50 000 francs et au-dessus, frappés d’une taxe de 5 pour 100. La rente n’était pas exempte, mais ménagée cependant : on savait qu’on allait avoir tant de milliards à emprunter ! Aussi les revenus des fonds nationaux n’étaient-ils frappés que de 1 1/2 pour 100.

Cependant, un tel système fiscal était si contraire à l’esprit américain, par les interventions de l’État qu’il entraîne