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si prônée, devenue odieuse à ceux mêmes qui l’avaient acclamée.

Il est curieux de consulter les rapports officiels présentés au ministre des Finances. Voici par exemple le langage de M. David Wells, commissaire spécial du revenu intérieur, un des partisans les plus notoires, les plus résolus, les plus indéfectibles de l’impôt sur le revenu, dans son rapport de janvier 1869 :

« Il devient évident qu’un système qui violait tous les principes reconnus en matière d’impôt, qui, au lieu d’être concentré, était divisé à l’infini ; qui entraînait constamment des recherches et des empiétemens de l’administration, qui, à toute heure, provoquait le recel, la fraude et le mensonge ; qui par des duplications et des majorations de bénéfices retirait bien plus de l’épargne de la nation que ne recevait le Trésor, il devient évident qu’un pareil système ne peut pas survivre, chez un peuple libre, aux nécessités momentanées qui l’avaient fait établir. »

N’oublions pas que M. Wells était, je le répète, un des prophètes de l’impôt sur le revenu !

Pourtant, les exigences du Trésor ne permettaient pas la suppression absolue. En 1870 on prorogea encore la loi, adoucie. Redoublement de plaintes, de clameurs, de résistances ; il devenait impossible de percevoir l’impôt ; il ne produisait plus les frais de perception !… Nouveau rapport de M. Wells, en 1871, qui ne se rend pas, qui veut, quand même, maintenir le système, en le modifiant, en l’établissant d’après les signes extérieurs, mais qui ne peut dissimuler les faits.

«… Toute inquiétude personnelle, toute révélation de fortune, toute obligation de serment disparaîtront ; les contribuables seront délivrés de l’espionnage perpétuel, des mille vexations qu’ils subissent, délivrés d’une inquisition officielle inutile, des provocations journalières à la dissimulation et au mensonge. »

Voilà donc quels avaient été les résultats de l’impôt sur le revenu d’après un de ses auteurs incorrigibles ! La même année, M. Pleasenton, commissaire du revenu intérieur, dit aussi dans son rapport : « L’impôt sur le revenu est odieux au peuple, étant inquisitorial par nature, et révélant le détail des affaires privées des citoyens. »

Devant un tel soulèvement de l’opinion, si général et si vif, devant de si profonds mécomptes financiers, de si désastreuses conséquences économiques, le système, quelles que fussent les thèses abstraites de ses défenseurs, ne pouvait résister plus