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Dans l’intervalle, le Roi avait envoyé à Madame Royale son portrait, fait jadis par Mme Bonn. La princesse en possédait déjà un autre signé de Mme Vigée-Lebrun. Elle le tenait de La Fare, qui lui-même devait à un heureux hasard d’avoir pu le lui offrir. « Lorsque celui de Mme Bonn a été peint, tant d’années et de malheurs n’avaient pas encore passé sur ma tête. Ainsi, quoique ressemblant encore, il est bien flatté aujourd’hui. Mais ni l’un ni l’autre ne vous diront aussi bien que j’espère avant peu vous le dire en personne, à quel point je vous aime. »

« J’espère que vous avez reçu la lettre de mon neveu sur la vie que nous menons ici : mais n’oubliez pas que tout cet arrangement est subordonné à ce qui pourra vous plaire, et parlez-moi, je vous prie, avec une entière confiance sur ce sujet. Mon neveu m’a dit ce que vous lui mandez au sujet de vos goûts. Je vous avouerai que j’avais déjà tâché de les deviner ; et j’espère que vous trouverez ici quelques livres, de quoi dessiner et travailler ; j’avais demandé aussi un clavecin : mais comme je vois que vous n’aimez pas mieux la musique que moi, je n’embarrasserai pas votre appartement d’un meuble inutile. »

Au milieu des préoccupations que trahit cette correspondance, commença l’année 1799, attendue avec d’autant plus d’impatience par le Roi que, d’une part, la coalition contre la France s’étant reformée avec la participation de la Russie, il pouvait espérer pour le printemps des résultats décisifs et que, d’autre part, il était convaincu que ce même printemps verrait arriver sa nièce à Mitau. Mais, dès le début de cette année, Madame Royale eut un gros chagrin : elle perdit la plus fidèle de ses compagnes, l’archiduchesse Amélie, la plus jeune sœur de l’Empereur, avec qui, à son arrivée à Vienne, elle s’était étroitement liée. Dès le mois de décembre, elle prévoyait ce malheur.

« J’ai encore le chagrin ici de voir l’archiduchesse Amélie qui se meurt. Elle est attaquée d’une maladie si forte qu’on craint bien qu’elle n’en revienne pas. J’en serais inconsolable, vu l’amitié qu’elle me témoigne et le malheur de la voir mourir si jeune. Il est sûr que sa nature qui est forte peut la sauver. Mais, je n’ose pas m’en flatter. »

L’archiduchesse mourut dans la soirée du jour où Madame Royale avait envoyé à son oncle ces nouvelles désespérées. « Je peux vous assurer que j’en ressens une douleur extrême. Elle avait toutes les qualités pour se faire aimer et me témoignait