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III

Arrivé en Courlande, au printemps, Louis XVIII n’avait d’abord pas trop souffert de sa solitude à une si grande distance de sa patrie. Des promenades aux environs de Mitau, que favorisait la beauté de la saison : les attentions de son neveu et de d’Avaray ; les soucis que lui donna l’organisation de sa maison ; l’arrivée de ses gardes du corps ; celle du comte de Saint-Priest, du duc de Villequier, du duc et de la duchesse de Guiche, du comte de La Chapelle, du cardinal de Montmorency, et d’autres Français qui vinrent successivement grossir sa petite cour ; l’espoir de voir bientôt la Reine et Madame Royale se réunir à lui, les visites que lui faisaient les personnages de marque qui passaient par Mitau et enfin les soins qu’exigeait la conduite de ses affaires politiques, autant de sujets d’occupation qui contribuaient à remplir pour lui et son entourage le vide des journées et l’aidèrent à prendre son mal en patience. Mais, avec l’hiver, tout changea. Quand les premières neiges eurent fait leur apparition et que le froid commença de sévir avec rigueur, les sorties devinrent plus difficiles, les distractions plus rares ; il put se croire alors séparé du reste du monde ; il fallut chercher d’autres moyens pour occuper le temps.

Il les trouva dans l’étude ; il l’avait toujours aimée ; la lecture, depuis sa plus tendre enfance, avait été son plaisir favori. Il aimait aussi à écrire. Nous en trouvons l’aveu dans une remarque de sa main, tracée en marge d’un ouvrage, où il était question de lui, de son rôle à la Cour de Louis XVI et où l’on prétendait qu’il avait alors pris au jour le jour des notes sur les événemens dont il était le témoin.

« Il est très vrai que j’ai toujours aimé la littérature, mais non pas que j’aie composé des notes historiques, encore bien moins que je sois historien. J’ai eu cependant, en 1772, la fantaisie d’écrire des Mémoires ; j’en ai bien écrit une trentaine de pages et il est possible que je ne les aie pas brûlées avec mes autres papiers en 1789 ni en 1791, à deux grandes revues que je fis. Si M. S… a lu ce fatras d’un enfant de dix-sept ans, il méjuge avec beaucoup d’indulgence. J’ai fait aussi pas mal de vers. Tous, à la réserve d’un logogryphe dont le mot était Pythagore qui a été mis sous un nom en l’air dans le Mercure et d’un