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temps entre les meilleurs amis. Ce rôle est celui qui peut le mieux vous convenir pendant nos malheurs et lorsqu’ils seront finis. »

Cette lettre est l’avant-dernière que Madame Royale dut recevoir de son oncle. Écrite à la fin d’avril 1799, elle la trouva prête à se mettre en chemin. « C’est le vœu et le désir empressé de son cœur, » écrivait l’évêque de Nancy. Toutes les mesures étaient prises pour son départ. Le duc de Villequier était venu la chercher à Vienne pour l’accompagner à Mitau. L’empereur d’Autriche avait consenti à la faire conduire sous la protection de Mme de Chanclos jusqu’à Thérèsepol sur la frontière russe. Là, des ordres étaient donnés par le Tsar pour la protéger sur la route et faciliter son voyage. Elle avait avec elle, comme dame de compagnie, Mlle de Choisy, nièce du marquis d’Ourches, jadis chambellan du Comte de Provence, qu’à sa demande le Roi avait attachée à sa maison. La duchesse de Sérent et sa fille, sorties trop tard de France pour la trouver à Vienne, devaient la rejoindre en Courlande. Les deux valets de chambre Hue et Cléry, trois femmes de service et deux valets de pied étaient aussi du voyage. Quand le Roi connut ces détails, Madame Royale avait déjà quitté Thérèsepol, d’où le 17 mai, en y arrivant, elle lui avait expédié par estafette un court billet. Il le reçut le 23 mai. Ce même jour, d’Avaray consignait l’événement dans son rapport au Roi :

« Une estafette envoyée par M. le duc de Villequier nous a appris ce matin que Madame Royale est enfin arrivée à Thérèsepol le 17, qu’elle en devait partir le surlendemain, et qu’après douze jours de route, elle sera rendue à Mitau.

« Monseigneur le Duc d’Angoulême, au comble de ses vœux, est venu chez moi me témoigner, avec beaucoup de sensibilité et dans les termes les plus obligeans, qu’il n’oubliera jamais que c’est à mon zèle et à mes soins qu’il doit le projet et le succès de son mariage.

« En lui témoignant de mon côté combien je suis heureux d’avoir pu contribuer à son bonheur, j’ai saisi l’occasion de lui observer que la politique seule préside ordinairement au mariage des princes, mais que le sien réunit tout ce que le sentiment a de plus doux, et la politique de plus intéressant, et que cette union eût été l’objet le plus digne de ses vœux, dans le cas même où il serait paisiblement assis sur les premières marches du trône.