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conseils, lui prêtait des dessins, des gravures et même des tableaux, entre autres un de Claude Lorrain que le débutant s’était ingénié à copier de son mieux. L’intérêt et la peine qu’il prit à cette tâche, aussi bien que l’insuffisance du résultat auquel il était parvenu, lui firent comprendre la nécessité d’acquérir l’instruction technique qui lui manquait. Son père, obligé de constater le peu de goût qu’il manifestait pour l’état de meunier, s’était à la fin rendu à ses instances et lui avait permis de passer à Londres quelque temps afin de voir quelles chances il aurait de s’y créer une situation et des moyens d’existence.

John était donc parti, muni d’une lettre de recommandation donnée probablement par sir George Beaumont, pour un paysagiste qui jouissait alors d’une certaine vogue, Joseph Farrington, élève de R. Wilson. Pendant deux années environ, — sa biographie est restée pour cette époque de sa vie assez obscure, — on croit que son temps se partagea entre Bergholt et Londres où il reçut aussi les leçons du graveur John Smith. Il existe, en effet, au musée de South-Kensington, quelques spécimens de ses essais de gravure qui dénotent l’influence évidente de Jacob Ruysdaël, pour lequel Constable professa de bonne heure une très vive admiration. Le peu de progrès qu’il faisait en ce genre ne permettaient guère à Farrington de fonder grand espoir sur son avenir. Découragé, à bout de ressources, pris de la nostalgie de son cher Bergholt, le jeune homme était retourné dans sa famille, et il s’était remis seul à ses études d’après nature. Mais trop peu préparé à ce travail, ayant à se débattre, en face de l’infinie variété des aspects de la campagne, avec son métier de peintre, il déplorait son ignorance une fois de plus, et ses parens, voyant son ardeur et sa ténacité, se résignaient à de nouveaux sacrifices, pour lui assurer le bénéfice d’une instruction plus complète.

Admis comme élève à la Royal Academy au mois de février 1799, Constable y reçut pendant deux ans une culture générale. Il dessinait d’après le modèle vivant ou d’après l’antique et suivait avec assiduité, en 1802, les cours d’anatomie. En 1803, il lui était permis pour la première fois de prendre part à l’Exposition. Sentant tout le prix des sacrifices faits par sa famille, il vivait durement et ne mangeait pas toujours à sa faim. Désireux de se créer lui-même des ressources, il peignit quelques portraits et pendant quelque temps, il fut même tenté de se consacrer à la peinture d’histoire, à laquelle il ne renonça qu’assez