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complètes pour mieux traduire la diversité infinie des formes et des colorations qu’il avait devant lui.

Le musée de South-Kensington possède une assez grande quantité de ces études faites pour la plupart aux environs de Bergholt, par toutes les saisons, par tous les temps : contrastes piquans d’ombres et de lumières ; rayons filtrant à travers la brume ; nuages chassés par le vent de la mer ; prairies imbibées de rosée matinale, douceur des jours calmes et voilés ; menaces sinistres des orages, ou apparition de l’arc-en-ciel étendant sa courbe grandiose au-dessus de la campagne rafraîchie par la pluie.

Sans avoir d’œuvres importantes de Constable, le Louvre nous présente dans plusieurs de ses études des formes variées de son talent : le Cottage, avec une habitation rustique enfouie dans la verdure ; la Baie de Weymouth aux approches d’une tempête, sous un ciel lourd et cuivré ; une Vue de Hampstead et une Ferme. Grâce à la libéralité de M. Sedelmeyer, qui a lui-même réuni une assez nombreuse collection d’esquisses de Constable, notre musée s’est récemment enrichi d’un Moulin à vent, avec des amas de nuages vivement chassés par la brise et promenant leurs ombres mobiles à travers une vaste plaine, petite toile d’une harmonie délicieuse, dans laquelle la pureté de l’air et l’aspect brillant de la campagne par un jour de printemps sont exprimés avec autant de justesse que de poésie.

Mais les grandes œuvres de Constable, qui d’ailleurs n’a peint qu’un petit nombre de tableaux importans, sont demeurées en Angleterre. Elles respirent cette force et cette vérité d’impression que son amour de la nature et son labeur opiniâtre avaient méritées à sa maturité. En 1819, à la suite de l’Exposition où il avait envoyé un Paysage des Bords du Stour, il était nommé associé à la Royal Academy.

Lentement venu, son succès s’affirmait peu à peu. Sans être très goûtées par la masse du public, ses œuvres lui valaient, d’année en année, des admirateurs plus nombreux et plus ardens. Sa réputation avait même franchi le détroit. Au printemps de 1824, ayant vendu à un marchand de Paris trois tableaux : un Chariot de foin traversant un Gué, un Canal et une Vue de Londres avec des figures et des animaux, sur les conseils de Leslie, il mettait pour condition à cette vente qu’ils seraient exposés par l’acquéreur au Salon parisien de cette année. « J’espère disait-il, qu’ils toucheront le cœur des jeunes peintres français. »