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nous sommes décidés à tout faire pour éviter la guerre, rien ne bougera, même si elle est imminente, afin de ne pas fournir prétexte à une ouverture immédiate des hostilités. L’incident Schnaebelé est là pour en donner la preuve. A ce moment nous fûmes à deux doigts de la guerre, et cependant le gouvernement s’est non seulement refusé à toute préparation, mais encore a cru devoir donner contre-ordre à certains ravitaillemens périodiques des forts de la frontière. On craignit que les Allemands ne prissent prétexte du mouvement de quelques mulets pour nous accuser de préparer la guerre.

Le législateur perd ainsi de vue que le pays a toujours besoin d’une force instruite, immédiatement utilisable, afin de donner à la nation le temps de prendre les armes. Les Allemands ont su réaliser cette condition, tandis que nous nous éloignons de plus en plus de ce but essentiel.

A l’heure actuelle, l’Allemagne dispose, dans la zone qui borde notre frontière, depuis Longwy jusqu’à Belfort, de 127 bataillons, 234 escadrons, 102 batteries ; elle peut donc (en appelant la classe qui vient de quitter le régiment, et par conséquent sans avoir besoin de se mobiliser) disposer de 135 000 fusils, 32 000 sabres, 612 pièces. Dans de pareilles conditions, comment couvrir la frontière ? Nous n’avons pas le recrutement régional. Il faut compléter nos effectifs avec des réservistes appelés en grande hâte, et qui ne se connaissent pas. L’invasion profonde est possible, et avec elle toutes ses conséquences morales.

Avec le service de deux ans tel qu’il est proposé, que pouvons-nous opposer immédiatement à cette force ?

Admettons que les compagnies des troupes de couverture soient maintenues à l’effectif de 175 hommes, qu’elles devraient avoir actuellement, et que 10 000 soldats rengagés prévus par la nouvelle loi (page 114 du projet) soient répartis dans l’infanterie et la cavalerie de la couverture : il y aura dans les compagnies, 20 rengagés, 78 recrues et 77 soldats d’un an. Il faudra donc que 75 000 hommes d’infanterie supportent initialement le choc de 135 000 fantassins allemands pendant tout le temps nécessaire pour mobiliser et concentrer les troupes. Si la guerre survenait en janvier ou février, époque à laquelle les recrues appelées le 8 octobre n’auraient pas encore fait leur tir, ce ne serait que 43 000 fantassins qui pourraient être opposés aux 135 000 Allemands.

On ne saurait trop insister sur ce fait, que l’organisation