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maîtresse, et qu’il la tenait par là. C’est à cette rude pénitence de la toute-puissante favorite que Mme Scarron faisait allusion lorsqu’elle « raisonnait, dans un souper conté par Mme de Sévigné[1], sur les horribles agitations d’un pays qu’elle connaissait bien…, les rages continuelles du petit Lauzun, le noir chagrin ou les tristes ennuis des dames de Saint-Germain ; et peut-être que la plus enviée n’en est pas toujours exempte. » Mme Scarron avait vu les « horribles agitations » de très près, car c’était encore elle qui était intervenue contre Lauzun, c’était sur ses représentations que Mme de Montespan avait fini par « dire au Roi qu’elle ne se croyait pas en sûreté de sa vie tant [qu’il] serait en liberté[2]. » Lauzun fut arrêté à Saint-Germain, dans sa chambre, le soir du 25 novembre 1671.

L’avant-veille, Mademoiselle était partie pour Paris en lui disant : « — Je ne sais ce que j’ai ; je suis dans un chagrin si horrible, que je ne puis durer ici. » Elle pleura tout du long de la route. Elle savait très bien d’où lui venait son chagrin ; on avait demandé à l’un de leurs amis « si M. de Lauzun était arrêté, » et cette question lui avait déplu.

Hasard ou précaution, la nouvelle de l’arrestation mit vingt-quatre heures à arriver au Luxembourg. Lauzun était déjà sur la route de Pignerol. En avant de lui courait M. de Nallot, l’homme du confiance expédié par Louvois, certainement avec une joie féroce, pour porter les instructions de son maître au sieur de Saint-Mars, gouverneur du donjon de Pignerol, et chargé du soin des prisonniers qui s’y trouvaient enfermés. Saint-Mars gardait Foucquet depuis sept ans, avec une telle fidélité aux ordres reçus, que Louvois ne doutait pas d’en être obéi aveuglément pour tout ce qu’il lui plairait de commander à l’égard de Lauzun. Ses instructions portaient de l’enfermer avec un valet, sans jamais les laisser sortir, ni communiquer avec âme au monde. Saint-Mars répondit :


A Pignerol, ce 9 décembre 1671.

« Monseigneur, M. de Nallot est arrivé ici le 5 du courant, où il m’a remis en main la lettre et l’instruction qu’il vous a plu avoir la bonté de m’envoyer par lui… Il vous pourra dire la manière dont je me comporte pour faire préparer en diligence

  1. Lettre du 13 janvier 1672.
  2. Mémoires de La Fare. Cf. les Mémoires de Choisy, Segraisiana, etc.