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on ne se connaissait plus, de Roi de France à marchand de la rue Saint-Denis. En conséquence, Paris employa le XVIIIe siècle à prendre la direction des esprits. La Cour avait décidé du succès des pièces de Molière ; le parterre parisien décida du succès des pièces de Beaumarchais.

Si l’on considère maintenant que toute la politique intérieure de Louis XIV fut constamment dominée par le souvenir et l’horreur de la Fronde, on reconnaîtra que cette révolution avortée a entraîné des conséquences aussi graves qu’une révolution victorieuse. C’est pourquoi il était permis de faire tourner l’histoire des idées et des mœurs pendant la Fronde, et dans les quarante années qui suivirent, autour de la Grande Mademoiselle, figure représentative s’il en fut d’une génération qui méritera toujours l’attention de l’histoire, et à un double titre : par sa fière conception de l’existence, et par le mal qu’elle a fait à la France, ou qu’elle lui a attiré dans la suite des temps. Personne n’a possédé les grandes qualités de son époque à un plus haut degré que cette princesse, et personne ne les avait conservées aussi intactes, sans souci du danger, après qu’elles furent devenues une cause de défaveur. Ni Retz, ni le grand Condé ne donnaient dans leur vieillesse l’idée de ce qu’ils avaient été sous la Fronde ; l’un et l’autre s’étaient trop assagis. La Grande Mademoiselle fut toujours la Grande Mademoiselle, et, si ce fut quelquefois son défaut, ce fut bien plus souvent son titre de gloire.


ARVEDE BARINE.