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pape Jules, chef visible de l’Église ; et qu’ainsi tout se liait, et qu’une chose devenait la condition d’une autre. » Et déjà, derrière ce commentaire de la lettre du concile de Sardique au pape Jules, on entrevoyait d’autres idées que celles où s’était arrêté l’auteur du livre de l’Unité. Un peu de temps encore, et elles prendraient figure de système. Pour le Moehler de 1825, les apôtres et tous ceux qui, par ordination, avaient reçu d’eux la puissance sacerdotale, représentaient le pouvoir doctrinal et disciplinaire : la conclusion eût été une sorte de presbytérianisme. La première édition de la Symbolique, qui est de 1832, explique que, sans le Pape, l’harmonie et l’ordre de l’Église sont détruits, et qu’en ce qui concerne les rapports du Pape et des évêques, le système épiscopal, qui assure l’activité propre de toutes les parties, et le système papal, qui centralise la vie, sont tous deux utiles à l’Église, en se faisant en quelque sorte contrepoids. Dans la quatrième édition, qui est de 1835, le « système épiscopal, citramontain, gallican, » tel qu’il fut énoncé à Constance et à Bâle, n’est plus, au regard de Moehler, qu’une « doctrine étroite, usée depuis longtemps. » Ainsi s’approchait-il, toujours plus avant, de la conception romaine de la primatie papale ; il fit à coup sûr plus de chemin, de 1825 à 1835, qu’il ne lui en fût resté à parcourir pour devenir un « infaillibiliste. » Il disait lui-même de son ancien écrit sur l’Unité de l’Église : « C’est le travail d’une jeunesse enthousiaste, qui pensait loyalement à l’endroit de Dieu, de l’Église et du monde ; mais il y a maintes assertions dont je ne pourrais plus me faire le défenseur. »

Tel quel, avec ses lacunes, ses aperçus incomplets, ses ébauches fautives d’idées vraies, ce premier livre de Moehler fut pour l’Allemagne catholique un bienfait. La chaleur en était belle, l’accent conquérant. L’Esprit d’amour, l’Église d’amour, étaient révélés, non par une pensée dogmatisante, mais par une âme vivante ; la cueillette intérieure de la foi par les âmes saintes et unies, dans ce jardin qu’était l’Eglise, avait quelque chose de fascinateur, et invitait à l’accès du jardin. Il en était de ce livre comme, d’après Moehler, du christianisme lui-même : ce n’était pas un développement abstrait, mais une apologétique vécue. De là, le charme pénétrant qu’il exerça, et que le temps n’a point amoindri. Staudenmaier raconte de quelles joies tressaillait sa jeunesse lorsqu’il contemplait dans les pages de Moehler « la grande œuvre du grand Dieu ; » dix et vingt ans