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Toutefois, l’assimilation des deux types morbides ne doit pas être poussée trop loin. Les parasites des deux maladies semblent appartenir à des groupes différens de protozoaires : celui du paludisme est un sporozoaire nu, une hémamibe ; le trypanosome des épizooties est un infusoire flagellé : le premier vit à l’intérieur des globules rouges du sang, l’autre nage librement dans le liquide où flottent les globules. L’évolution des trypanosomes est très simple ; celle de l’hémamibe du paludisme est très compliquée. Enfin la multiplication des trypanosomes se fait par simple division : celle du parasite malarique par un processus beaucoup plus complexe[1]. M. Laveran, à qui revient l’honneur d’avoir découvert le parasite du paludisme, publie aujourd’hui, en collaboration avec M. F. Mesnil, une étude très étendue sur les trypanosomes et les maladies qu’ils provoquent[2]. C’est à ce remarquable travail que nous emprunterons la plupart des renseignemens qui suivent.


II

La maladie du sommeil appelée M’toya par les indigènes, est connue des médecins depuis plus d’un siècle. Cette affection singulière et toujours mortelle, répandue chez les nègres de l’Afrique occidentale, caractérisée par une tendance irrésistible au sommeil, ne pouvait manquer de frapper l’attention des premiers observateurs. C’est en 1803 qu’un auteur anglais, Winterbottom, qui l’avait constatée dans l’hinterland de Sierra-Leone, en donna la première description. Depuis lors, les médecins de la marine française l’ont observée fréquemment au Congo, où elle est endémique, et en ont publié de nombreuses relations. L’une des études les plus complètes remonte à l’année 1869 : elle est due à un médecin colonial, Guérin, qui en avait noté, en moins de douze ans, près de cent cinquante cas à la Martinique, sur des nègres provenant de la côte d’Afrique.

  1. Il ne faut cependant pas omettre de noter que, d’après un naturaliste de grand mérite, F. Schaudinn, les trypanosomes se rattacheraient à des hématozoaires endoglobulaires comme celui du paludisme par un lien de filiation directe. Les deux types formeraient des générations alternantes. Schaudinn a vu, par exemple, que les hématozoaires endoglobulaires de certains oiseaux, les chouettes, devenaient des trypanosomes chez les moustiques. MM. Sergent ont confirmé le fait.
  2. A. Laveran et F. Mesnil, Trypanosomes et Trypanosomiases. Paris, 1904, Masson.