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musique, toute sa musique s’est donné carrière. Les thèmes se sont étendus, ont rayonné librement. Le cantique de la première partie a reparu ; le dernier, le plus mystique de tous, a gagné de proche en proche par une sorte de contagion sainte. Un chœur de femmes, sans accompagnement, a développé sa très noble polyphonie. De plus en plus, des plans se sont ordonnés et des horizons découverts. Il s’est formé toute une hiérarchie, construit toute une architecture sonore, et quand s’est déroulée enfin la fugue suprême, à dessein retenue, énergique mais paisible, mais sereine, alors vraiment un souvenir et presque un souffle des grandes péroraisons classiques a passé parmi nous.


Les quelque cinq cents personnes qui prirent part à l’exécution de la Croisade des enfans n’y participèrent pas toutes également bien. Une jeune fille, Mlle Vauthrin, a révélé dans le personnage d’Alain des qualités exquises de voix, de style et de diction. Elle n’a pas laissé perdre un seul mot, une seule note. M. Daraux a bien compris et rendu la tendresse et la gravité de la « Légende des étoiles. »

Quant aux enfans, non de chœur, mais des chœurs, ils ont été supérieurs — de beaucoup — aux adultes des chœurs aussi, même de l’orchestre. D’abord c’était plaisir de les voir, ces choristes d’un âge et d’un aspect inaccoutumés. Le matin de la dernière répétition, leurs maîtres, leurs parens se pressaient dans la salle et quelquefois un père, une mère, se demandaient tout bas l’un à l’autre, et d’une voix émue, s’ils ne croyaient pas reconnaître la voix de Jacques ou les boucles de Marie. Mais surtout c’était merveille d’ouïr ce pur, ce frais, ce juste ramage. Et l’on songeait, en écoutant ces deux cents petits chanter comme des anges, que les curés et les maîtres de chapelle parisiens allèguent plaisamment, contre l’obligation de réformer la musique en leurs églises, la difficulté de trouver des voix enfantines.

Enfin il est d’autres pensées, plus générales, que la beauté de ces voix faisait venir. La critique a souvent étudié la place qu’ont tenue et le rôle qu’ont joué dans la musique certains personnages et certains sentimens : l’amour ou la religion, les jeunes filles ou les héros. L’histoire des enfans, — dans la musique aussi, — ne serait pas la moins charmante à raconter. Elle commencerait à la crèche, devant celui que tant de Noëls — oratorios ou cantiques — ont célébré. Puis, revenant aux enfans des hommes, je sais bien lequel, avant tous les autres, elle devrait saluer. « Schlaf ein, mein Prinzchen, schlaf ein ! Dors, mon petit prince, dors ! » Vous souvient-il que naguère, en cette