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contenté de condamner la délation dans des termes dont l’énergie ne laisse rien à désirer ; il a frappé les délateurs les plus notoires ou leurs complices. M. le général Peigné, auteur d’une lettre si inconvenante que nous aimons mieux n’en rien dire, a été privé de ses fonctions de commandant de corps d’armée et de membre du Conseil supérieur de la Guerre, il a été mis en disponibilité. M. le commandant Bégnicourt, dont le Conseil de la Légion d’honneur avait demandé la radiation sur les listes de l’Ordre, en a été effectivement rayé par décret. Enfin, M. le ministre de la Guerre a déclaré en bons termes qu’il n’y avait qu’une discipline dans l’armée et que les officiers républicains devaient s’y soumettre comme les autres : il a de plus annoncé qu’il avait puni un sous-officier pour avoir assisté à un banquet maçonnique. Les socialistes n’en revenaient pas ! Ces déclarations et ces actes tranchaient avec un passé qui est d’hier. La conscience publique recevait enfin la satisfaction qu’elle réclamait. La surprise du centre et de la droite n’a pas été moindre, mais elle a été plus heureuse et M. Guyot de Villeneuve a fait savoir que, les choses étant ainsi, la publication des fiches cesserait le soir même. Il est à désirer qu’elle ne soit pas reprise, mais cela dépend du gouvernement. S’il reste fidèle à son langage, à ses promesses, à l’esprit de ses premiers actes, il aura rendu un grand service au pays en mettant fin à une agitation qui, pour ses auteurs, était un moyen et non pas un système. Le but une fois atteint, rien de plus naturel que d’en rester là. Voilà comment M. Rouvier a obtenu dès le premier jour une majorité plus considérable que n’en a jamais eu M. Combes. Nous ne disons pas que ce soit une majorité normale, ni qu’elle puisse se maintenir longtemps telle quelle, avec les élémens disparates qui la composent. Quand viendront des questions nouvelles, il se formera des groupemens nouveaux. Mais on saura toujours gré à M. Rouvier d’avoir assaini la situation, et frappé la délation à la tête sans tenir compte des menaces de la franc-maçonnerie. Quant aux réformes, il les a naturellement inscrites dans son programme, et la Chambre en a pris acte purement et simplement dans son ordre du jour. Elle a déclaré qu’elle comptait sur lui pour les faire aboutir, en les qualifiant de démocratiques, ce qui a un sens un peu vague mais pourtant intelligible, et de laïques, ce qui n’en a aucun. O mirage des mots ! Il y avait un autre ordre du jour, qu’on peut appeler celui des mécontens. M. Maujan l’avait rédigé, et y avait énuméré impérativement les réformes dans un rang qui marquait ses préférences : la séparation de l’Église et de l’État figurait immédiatement après l’impôt sur le