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dessein, disait-il, est de vous inviter, en cette heure pour nous si joyeuse, à agir de vos cœurs et de vos bras, pour le bien du pauvre peuple, à marcher, comme auxiliaires, aux côtés de la pauvreté ; » et Ketteler buvait aux pauvres. — « Citoyens ! » commençait une voix. Lasinsky, le peintre de Trêves, était debout, son verre levé, devant ces catholiques de toutes régions qui semblaient fêter leur avènement au civisme. « Je bois au peuple, insistait-il, au peuple qui est cause que nous sommes ici, et qui ose tout risquer, s’il le faut, pour conquérir des droits et des libertés ; au peuple qui rarement gouverne, mais qui souffre beaucoup ; au peuple qui ne rougit ni de l’Angélus ni du rosaire ; au peuple qui est trop peu élégant pour valser au casino ; au peuple qui ne se laisse pas aller à sourire, par complaisance, par élégance, par esprit servile, lorsqu’on se moque des choses saintes, mais qui est susceptible de colères ; au peuple qui rit quand il a occasion de rire, et qui pleure quand il a occasion de pleurer ; au peuple qu’aujourd’hui l’on qualifie de stupide. »

Un matin les représentans de ce peuple vinrent de Francfort à Mayence, pour entretenir l’assemblée de ce que faisaient les catholiques au parlement, et de ce qu’ils y voulaient faire. Doellinger développa longuement l’historique des discussions qui s’y étaient déroulées sur la question religieuse et sur la question scolaire ; il termina par un confiant appel aux associations catholiques.


L’assemblée nationale est le premier corps politique, concluait-il. On lui doit respect et soumission ; mais, au-dessus d’elle, il y a la loi de l’opinion publique. Cette opinion publique, spécialement celle du peuple catholique, ce sont les associations catholiques qui doivent l’amener à l’état conscient, la fortifier, la diriger, mais aussi, là où c’est nécessaire, la modérer. S’il en est ainsi, si l’opinion publique est assez claire, assez forte, assez générale, assez unie, pour être réputée la voix du peuple catholique, elle trouvera dans l’assemblée la considération et les égards qui lui sont dus.


C’est ainsi que les députés catholiques de Francfort invoquaient la souveraineté de l’opinion catholique, à laquelle ils rendaient visite à Mayence. Il avait suffi qu’en peu de mois des associations s’improvisassent et qu’on ménageât une rencontre entre leurs délégués, pour que les membres de l’assemblée de Francfort, de cette assemblée qui, elle aussi, avait été une improvisation, reconnussent dans l’opinion catholique une force et réclamassent d’elle un appui. L’année 1848 était propice à ces