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qu’il s’est occupé surtout. Il en avait livré le secret à ses affiliés, il était définitivement compromis, il ne pouvait plus se tirer d’affaire que s’il réussissait.

Le temps ne lui manqua pas pour travailler au succès de son entreprise. Entre sa première tentative électorale sérieuse, où il fut vaincu par Cicéron, et celle de 691, dont nous parlerons plus tard, un an s’est écoulé, et pendant tout ce temps il nous échappe. Dans les cinq mois qui suivirent l’élection, quand Cicéron était consul désigné, il n’est pas question de Catilina. On vient de voir que, dès le jour des calendes de janvier, où les consuls entrent en charge, la lutte entre Cicéron et César commence. Catilina n’y prit aucune part, et l’on comprend bien qu’il n’ait pas pu s’en mêler. César se proposait de faire abolir ce qui restait des lois de Sylla ; pouvait-il associer à ce dessein un ancien syllanien aussi décrié que Catilina ? Cependant, il n’est guère admissible qu’un homme aussi entreprenant, dont on nous dit que son esprit ne se reposait jamais, soit resté si longtemps sans rien faire. C’est sans aucun doute l’époque où il a dû organiser définitivement sa conjuration.

Ce qu’elle était en réalité et de quels élémens elle se composait, Salluste et Cicéron nous en donnent quelque idée quand ils nous disent que Catilina prétendait soulever à la fois Rome et l’Italie. C’étaient, dans une seule conjuration, deux complots, qui n’avaient pas tout à fait le même caractère, quoique conçus dans la même pensée et conspirant au même résultat ; l’un devait grouper quelques grands seigneurs de la ville, l’autre rappelait aux armes les vieux soldats de Sylla disséminés dans les campagnes italiennes. Ils avaient chacun d’eux leur organisation distincte et leur rôle particulier, jusqu’au jour où ils devaient se réunir sous les murs de Rome pour tomber ensemble sur les aristocrates et les financiers et les brûler dans leurs palais.

Etudions à part ces deux catégories de conjurés. Il serait plus régulier sans doute de commencer par ceux de la ville. Ils étaient les plus près de Catilina, compagnons de ses plaisirs, confidens de ses projets, et ce sont certainement les premiers auxquels il a dû s’adresser quand la pensée lui est venue de tenter une aventure. Mais d’un autre côté, nous verrons qu’au moment décisif, c’est dans les conjurés d’Italie qu’il a eu le plus de confiance ; ils ont été en somme son dernier espoir et son meilleur appui. Si l’on se fie au récit de Salluste, c’est à eux qu’il songea