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d’abord après l’échec de sa candidature ; « son premier soin fut de leur envoyer des armes et de l’argent qu’il emprunta sous son nom ou par le crédit de ses amis. » Je vais donc m’occuper d’eux d’abord ; il sera temps de revenir aux autres plus tard.

Un des faits les plus importans de l’histoire de Rome à la fin du VIIe siècle, c’est l’intervention de l’armée dans les luttes civiles. Il n’est pas sans intérêt de chercher à savoir comment elle s’est produite.

Quelque réputation de sagesse qu’on ait faite à Rome, elle n’a jamais eu tout à fait la paix intérieure. La lutte est la vie des pays libres ; il faut qu’ils s’y résignent. « Pour règle générale, dit Montesquieu, toutes les fois qu’on verra tout le monde tranquille dans un État qui se donne le nom de république, on peut être assuré que la liberté n’y est pas. » A Rome, le combat entre les plébéiens et l’aristocratie a commencé le lendemain de l’expulsion des rois et il a duré jusqu’à l’établissement de l’empire ; mais il a eu des phases très différentes. Au début, les contestations étaient moins vives, elles prenaient volontiers une forme que nous connaissons bien, celle de la grève. Le petit peuple quittait la ville ; il se retirait, avec l’armée, sur l’Aventin ou le Mont Sacré, et l’on y attendait que la noblesse, qui ne pouvait pas vivre dans son isolément, fît des concessions, ce qui ne manquait pas d’arriver. Peu à peu les choses se gâtèrent et l’on en vint à l’émeute. Il faut pourtant remarquer que, jusque dans les scènes les plus tumultueuses des dernières années de la république, on retrouve le caractère du peuple chez qui elles se produisent. Elles affectent un certain respect de la loi, le souci visible de se rattacher de quelque manière à la constitution, même quand on la viole. C’est toujours à la même occasion que la lutte s’engage, et sur le même champ de bataille qu’on en vient aux mains. Il s’agit d’enlever une élection ou de faire approuver une loi. Le moyen qu’on prend pour y réussir est toujours le même : on chasse à coups de pierre ou de bâton, du Champ de Mars ou du Forum, tous les gens du parti contraire, et l’on vote quand on est sûr d’avoir l’unanimité. Le procédé est violent, mais au moins on a voté, et les apparences sont sauves : la plupart n’en demandaient pas davantage. La grande difficulté consistait à prendre possession de la tribune et à s’y maintenir. On s’y installait dès le milieu de la nuit, avec une bonne troupe, et l’on empêchait les adversaires d’en approcher. Un récit fort