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peu préparé et mal exécuté, échoua par l’impéritie de quelques-uns et la lâcheté du plus grand nombre. Catilina n’avait rien perdu à cet échec ; au contraire, il y gagna de s’être fait mieux connaître. Parmi tous ces gens faibles, hésitans, il s’était montré vigilant, énergique, prêt à tout : c’étaient les qualités d’un chef de parti. Aussi est-il probable que tous ceux qui cherchaient fortune prirent dès lors l’habitude de se grouper autour de lui. Pendant les deux années qui suivirent, il ne quitta pas Rome ; il dut en profiter pour accroître le nombre de ses partisans. Salluste en désigne quelques-uns à propos de cette réunion du mois de juin 690, où il nous dit que Catilina dévoila ses projets à ses amis. Il n’a pas sans doute la prétention de les nommer tous ; il prend les plus connus, les plus importans, ceux qui ont rempli les fonctions les plus élevées. Il s’y trouve deux anciens consuls, des préteurs, des questeurs et d’autres membres du Sénat. Ce qu’il y a de plus remarquable, c’est qu’ils appartiennent tous aux rangs les plus élevés de la société romaine. Ce sont des Cornelii, des Calpurnii, des Statilii, de proches parens de Sylla, un Cassius, un Gabinius, un Fulvius Nobilior, les gens les plus connus de Rome. On n’est pas habitué à voir tant de personnages de ce rang figurer ensemble dans un complot révolutionnaire. C’est le caractère particulier de la conjuration de Catilina ; elle est véritablement, comme l’appelle un poète de ce temps, un attentat de patriciens, patricium nefas.

À ces grands noms, Catilina en ajouta d’autres après son échec aux élections de 690. On nous dit qu’il chercha alors à se faire des adhérens nouveaux, et ce qui prouve qu’il n’avait rien perdu de son prestige, c’est qu’il y réussit. Nous savons par Cicéron que, parmi ceux qui grossirent en ce moment son parti, se trouvait Caelius. La conquête était d’importance : il n’y avait pas, dans la jeunesse de ce temps, de nom plus connu que le sien. Au Forum, on avait peur de sa parole mordante, et il était déjà regardé comme un orateur redoutable. Cicéron, qui l’avait formé, lui reprochait de ne pas savoir se contenir. « Il est plus violent que je ne voudrais, » disait-il ; mais précisément ces violences faisaient sa popularité. En même temps, c’était un héros de la mode. On remarquait l’élégance de sa mise, l’éclat particulier de sa tunique de pourpre, et il ne paraissait en public qu’entouré d’un cortège d’admirateurs et d’amis.

Salluste ajoute que c’est alors aussi que Catilina s’affilia des