Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 26.djvu/594

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Chine serait singulièrement facilitée par sa rénovation politique. Pour effectuer la première, il faudrait construire rapidement des chemins de fer, exploiter les mines, préparer tout au moins une réforme monétaire, abolir les droits de transit arbitrairement perçus, les odieux likins, mettre un terme aux exactions fiscales de toute sorte. Qui s’oppose à tous ces progrès ? Le gouvernement beaucoup plus que les populations. Qu’est-ce donc que ce gouvernement ? « C’est, dit fort bien le correspondant du Times à Shanghaï, un vaste syndicat qui a pour raison d’être le bénéfice mutuel de ses membres ; on n’y gaspille pas de fonds pour les routes, les écoles, la gendarmerie et autres objets accessoires qui absorbent une si large part du produit des taxes dans les pays d’Occident. En Chine les impôts servent littéralement à entretenir le gouvernement. Au-dessous de ce syndicat vit au jour le jour la masse industrieuse et naturellement paisible des paysans et des coolies qui ne peuvent pas supporter de nouvelles charges. On leur dit que les étrangers demandent d’énormes indemnités et ils subissent, non sans ressentiment, un surcroît d’extorsion dans la collection des taxes. C’est ainsi qu’on excite le peuple contre les diables d’Occident et les dangereuses innovations qu’ils apportent. »

Voilà bien la pratique de ce gouvernement, qui, en théorie, est admirable et fondé sur le gouvernement de la famille. En dépit des ressources de la guerre sino-japonaise, de l’insurrection des Boxeurs et de l’occupation étrangère qui a suivi, il n’a ni appris, ni oublié grand’chose. La promulgation des règlemens tracassiers grâce auxquels il a annulé ses concessions relatives à la navigation intérieure, le retard apporté à publier les règles relatives à l’exploitation des mines, l’obstruction même faite aux chemins de fer, toutes les fois qu’on en trouve l’occasion, témoignent bien que la Cour reste fidèle aux vieux erremens. Pourtant deux choses sont changées : d’abord on a vu qu’on ne pouvait pas rompre en visière à l’Occident, qu’il fallait faire la part du feu, céder, le plus lentement possible, mais céder tout de même sur certains points. Ensuite, la Chine a aujourd’hui une dette extérieure de près de 3 milliards de francs, en y comprenant les 1 600 millions d’indemnité aux puissances pour l’affaire des Boxeurs, et le service de cette dette exige une annuité de 144 millions de francs ; ceci est fort lourd, car le budget, était évalué par l’homme le mieux en mesure d’être au