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Révolution de Février inspira-t-elle dans la bourgeoisie plus d’appréhensions que de joies. On ne séparait guère la République des souvenirs de la Convention et de la Terreur. Le département de la Moselle envoya cependant à l’Assemblée Constituante des représentai de l’opinion républicaine modérée, choisis parmi les plus honnêtes et les plus capables. Le choix du général Poncelet, par exemple, et de Dornès, qui fut tué en défendant l’ordre dans les journées de Juin, faisait le plus grand honneur au discernement du suffrage universel alors à ses débuts.

Quelques mois après, tout se gâtait. L’insurrection parisienne, la lutte des clubs et des faubourgs contre la représentation nationale avaient inquiété et indigné les Messins. Les élections à l’Assemblée législative se firent dans un sens absolument opposé. On n’envoya guère à la nouvelle Chambre que des gens décidés, ou tout au moins résignés à la réaction. L’élection du prince Louis-Napoléon imprimait à la liste une signification nettement rétrograde. Sur cette terre de soldats le neveu de l’Empereur bénéficiait des souvenirs du premier Empire si vivans encore et si répandus dans le peuple. Tous les anciens militaires, leurs fils, leurs parens, leurs familles avaient voté et travaillé pour lui avec ardeur. Même après le Mexique, même après Sadowa, ces sympathies lui demeurèrent fidèles. En 1870, la députation de la Moselle restait tout entière bonapartiste.

Si en dehors des apparences extérieures on voulait pénétrer jusqu’au fond des âmes messines, généralement fermées, peu communicatives, qu’y trouvait-on ? Beaucoup de raison, de sagesse, de mesure, le sens pratique des choses, par-dessus tout le goût de l’économie et de l’épargne. Quelques maisons riches donnaient l’exemple du luxe, mais elles faisaient exception. La grande majorité des habitans évitait tout ce qui aurait pu ressembler à de l’ostentation, leur donner l’air de jeter de la poudre aux yeux. Ils recevaient, à coup sûr, leurs familles et leurs amis ; ils les recevaient même fort honorablement, mais avec simplicité. Peu importait aux Messins de paraître moins riches qu’ils ne l’étaient en réalité, pourvu qu’ils ne fissent pas de dépenses inutiles. En général le train de maison était inférieur à ce qu’aurait comporté la fortune réelle. Sans être précisément avares, des ménages fort à l’aise vivaient petitement. N’ayant aucun besoin personnel, pas même celui d’étonner la galerie, ils se contentaient de peu. Il leur suffisait d’être en réalité ce qu’ils étaient, de