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N’est-ce point là, par avance, le commentaire, peut-être même l’inspiration de la dédicace que Louis-Philippe fit graver sur le fronton du nouveau musée : « A toutes les gloires de la France[1]. » La pensée qui dicta les vers d’Emile Deschamps, ne se retrouve-t-elle pas tout entière en ces lignes que Vatout, premier bibliothécaire du Roi, et l’un des plus fidèles amis de Louis-Philippe, écrivait en 1837, à la veille de l’inauguration du musée national : « Il était, disait-il, réservé à Louis-Philippe de rendre à ce palais, — érigé, en 1661, pour l’apothéose d’un seul, consacré, en 1837, à la gloire de tous, — son antique splendeur… Versailles ne pouvait plus être le séjour d’un peuple de courtisans, ni l’Olympe d’un monarque. Mais devenir le rendez-vous de toutes les illustrations de la France, recueillir l’héritage de toutes ses gloires et, sans se dépouiller des souvenirs de sa grandeur passée, revêtir une grandeur nouvelle, toute nationale, c’était une destinée non moins belle, non moins auguste que la première. C’est celle que lui a faite le roi Louis-Philippe. » Insistant ailleurs sur cette même pensée, Vatout, écrivain emphatique, historien souvent inexact et pour les dates, et pour les faits, et pour les anecdotes dont il abuse, mais interprète autorisé de la pensée du créateur du musée, caractérisait ainsi l’œuvre accomplie : « On a fait revivre sur la toile tous les hommes, toutes les actions, toutes les batailles qui ont illustré les annales françaises depuis le berceau de la monarchie jusqu’à nos jours, et on en a décoré tous les appartemens. Ici ce sont nos plus beaux faits d’armes sous les premières races ; là c’est Louis XIV environné de toutes les grandeurs de son règne ; plus tard 1792, avec son élan, sa jeunesse et ses brillantes métamorphoses ; enfin, le peuple de Juillet, avec ses mille bras, combattant pour la Charte et plaçant la liberté sous l’égide des lois… Nous laissons naturellement à d’autres le soin d’apprécier la pensée qui, d’un palais consacré à l’apothéose d’un seul homme, a fait le palais de toutes les grandeurs nationales et qui, loin de circonscrire la pensée de ce monument dans les limites d’un seul règne, l’a étendue à toutes les époques de notre histoire, confondant ainsi dans un même hommage la France de tous les temps, adoptant toutes

  1. Voir le rapport adressé au Roi (29 août 1833) par M. le comte de Montalivet, intendant général de la liste civile, sur la nouvelle destination à donner au palais de Versailles en y établissant un musée historique.