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d’ailleurs couronnés de succès qu’a faits l’Église catholique en vue de constituer un enseignement primaire strictement confessionnel apparaissaient un jour comme dangereux à certains égards, notamment au point de vue du retard qui en résulte pour l’assimilation des immigrés catholiques et leur fusion avec les autres races, peut-être les Américains connaîtraient-ils à leur tour cette question cléricale qu’ils considèrent, avec un dédain un peu superficiel et avec la confiance d’un peuple jeune n’ayant point encore fait certaines expériences comme occupant une trop grande place dans les préoccupations politiques du vieux monde. Peut-être viendra-t-il un jour où il y aura parmi eux non seulement des non-croyans, des « agnostiques, » mais des anti-cléricaux. » Il est clair que M. Briand regarderait cela comme un progrès : serait-ce l’avis des Américains ?

La discussion, jusqu’ici, a été brillante. M. Paul Deschanel, qui l’a ouverte par un discours très éloquent, très bien ordonné, très documenté, accepte le principe delà séparation. Il fait plus, il l’approuve il le conseille. La séparation de l’Église et de l’État est à ses yeux un système meilleur que celui du Concordat. Si nous nous placions dans l’idéal, nous partagerions peut-être le sentiment de M. Deschanel ; mais le point de vue idéal est rarement un point de vue politique. Avons-nous besoin de dire que M. Deschanel, partisan de la séparation, ne l’opère pas dans les mêmes conditions que M. Briand ? Il est libéral, il veut donner la liberté à l’Église ; mais il est prudent et ne veut pas la lui donner sans précautions. S’il dénonce le Concordat, il entend conserver de bons rapports avec Rome, et ces bons rapports lui paraissent même plus indispensables après qu’avant. L’idée d’écraser l’Église sous l’omnipotence de l’État n’est pas la sienne, et il ne regarde pas comme un acte recommandable de détruire unilatéralement un contrat bilatéral. Son discours est animé d’un souffle généreux, conciliant et, le point de départ une fois admis, vraiment politique. Nous n’entrerons pas pour aujourd’hui dans le détail de la réforme telle que l’entend M. Deschanel. Sur les points essentiels, il a des solutions à lui qui sont très supérieures à celles de la commission. Ces points essentiels sont relatifs à la question de la dévolution des biens et à celle de la jouissance des immeubles religieux. Ils ont été l’objet d’amendemens présentés par le groupe progressiste, et nous aurons à y revenir quand la discussion sera plus avancée : nous sommes obligé aujourd’hui de rester dans les généralités. M. Gabriel Deville et M. Zevaës, socialistes, l’un et l’autre, ont défendu le projet de la commission. Un orateur de la