Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 26.djvu/727

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
LE 31 OCTOBRE 1870[1]

RÉCIT D’UN TÉMOIN


Lundi, 31 octobre.

Ce matin, le Journal des Débats contenait d’assez mauvaises nouvelles des provinces. A huit heures du matin, le Journal officiel annonçait que M. Thiers était arrivé, et qu’il apportait une proposition d’armistice faite, d’un commun accord, par la Russie, l’Autriche, l’Angleterre et l’Italie. Metz a dû capituler. A dix heures, j’ai vu arriver chez moi Paul de Rémusat ; il m’apportait une lettre de Mme d’Haussonville, datée du 25, de Broglie, et une lettre d’Angleterre de Mlle D… Toute la famille d’Harcourt et la famille de Broglie vont bien. J’ai vu M. Thiers aux Affaires étrangères vers deux heures environ. Il y avait couché, et occupait les appartemens du premier étage. Voici ce qui résulte des courtes paroles que j’ai échangées avec lui, Paul de Rémusat et les quelques personnes qui, avant moi, avaient causé avec lui. M. Thiers a été bien reçu à Londres ; on y a été sensible à sa visite,’et ses paroles ont été écoutées avec attention ; on y a paru presque contrarié de le voir repartir tout aussitôt pour Saint-Pétersbourg et pour Vienne. Mais on ne lui a rien dit de positif, ni même de bien encourageant. A Vienne, il a été très favorablement accueilli ; on y était évidemment sympathique à la France ; à Saint-Pétersbourg, même accueil et même sentiment. A Vienne, on a laissé entendre à M. Thiers qu’il vaudrait mieux qu’il ne retournât point par Moscou, parce qu’il était possible

  1. Ce récit du 31 octobre est extrait d’un Journal que mon père a tenu depuis la déclaration de guerre jusqu’à la capitulation de Paris, et que je me propose de faire paraître prochainement. — HAUSSONVILLE.