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général Trochu. Il a recommencé de plus belle à développer son thème, à raconter comment les choses s’étaient passées à l’Hôtel de Ville, excusant toujours les meneurs du mouvement insurrectionnel. Quant à des résolutions, je n’en voyais prendre aucune. Mon fils avait été écarté de moi par la foule qui remplissait de plus en plus le salon : je n’avais personne pour me seconder, et qui pût me mettre au fait de ce qui se passait ; j’allais prendre la porte et m’en aller, me sentant inutile, lorsque, dans la cour, j’ai rencontré M. Roger du Nord. Je suis alors rentré avec lui. Roger était dans les mêmes sentimens que moi ; il arrivait pour tâcher d’arracher des ordres au général Trochu, et comme il est colonel de l’état-major de la garde nationale, il avait caractère pour cela ; je me suis attaché à ses pas. Nous nous sommes vite entendus. « Restez ici, je vous prie, m’a-t-il dit ; n’en bougez pas ; tâchez de remettre la tête à ces gens-là. » Pendant que Trochu continuait à pérorer, Roger a ramassé, de droite à gauche, des officiers de l’état-major de bonne volonté. J’ai de nouveau insisté pour qu’on fit battre le rappel partout où l’on croyait avoir des bataillons bien disposés. J’ai donné les numéros de ceux de la rive gauche qui passent pour les meilleurs. Gaston de Béarn[1] en a pris note, et j’ai su plus tard, par mon fils, qu’il était parti avec lui pour aller à l’état-major de la place Vendôme donner les instructions nécessaires : Roger du Nord, qui avait reçu une sorte de délégation tacite du général Trochu et des officiers d’état-major présens, est entré dans un bureau pour expédier des ordres semblables. L’impulsion était maintenant donnée et, ne retrouvant plus mon fils, il m’a semblé que ma présence n’était plus nécessaire ; je ne voulus interroger personne, chacun ayant autre chose à faire qu’à me répondre, et je me suis retiré, persuadé que tous les membres du gouvernement de la Défense nationale avaient recouvré leur liberté, ainsi que le général Trochu, et qu’il ne s’agissait plus que de prendre matériellement possession, de l’Hôtel de Ville contre les insurgés


Mardi, 1er novembre 1870.

Cette nuit, mon portier est venu me réveiller en m’annonçant qu’on battait le rappel. Je me suis rendu place Bourbon. Nous

  1. Officier d’ordonnance à la place de Paris.