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Paris aussi fou et aussi vil qu’il a paru héroïque ; je dis paru ; l’opinion de X., que vous connaissez, est celle de mon oncle et des observateurs froids. Il est dur de penser mal de sa patrie ; il me semble qu’il, s’agit pour moi d’un proche parent, presque d’un père, d’une mère, et qu’après l’avoir jugé incapable, je suis obligé de le trouver grotesque, odieux, bas, absolument incorrigible, et destiné à la prison des malfaiteurs ou au cabanon des fous. — M. Thiers n’ose rien, ne comptant pas sur les troupes ; l’amiral Saisset[1]et les maires ont tout accordé ; aujourd’hui, les gens du ruisseau votent, sont nommés, et triomphent ; si vous lisiez leurs journaux, la Nouvelle République, le Cri du Peuple, le Père Duchêne ! L’Assemblée attend, laisse l’émeute sfogarsi, s’éventer à force de désordre et de lassitude. L’instrument de l’ordre, la force armée est maintenant usée, épointée ; c’est un retour à la barbarie et aux hasards des anarchies primitives.


A Madame H. Taine.
Paris, mardi 28 mars.

Aux Débats, ils s’attendent à être supprimés et quelques-uns proposent de transporter le journal à Versailles. Ce matin, les rouges couleur Blanqui l’emportent dans dix-sept arrondissemens ; les trois autres ont élu des anciens adjoints ; les journaux du parti triomphant appellent Tirard[2] un réactionnaire ! Jugez de la couleur de la nouvelle municipalité. — Hier le drapeau rouge était à la préfecture de police et au ministère de l’Intérieur. D’après mes entretiens avec plusieurs personnes bien informées et dont l’une revient de Londres, les menées et l’argent bonapartistes sont pour beaucoup là-dedans. — Vingt petits faits que j’omets me prouvent que l’Assemblée de Versailles ne peut compter sur les troupes qui la gardent. C’est tout au plus si elles la défendraient. Conduites à l’attaque, elles annoncent qu’elles mettraient la crosse en l’air.

… On n’estime pas que la domination du parti exalté puisse durer ici plus de trois semaines. Ils vont être déjà bien

  1. Saisset (Jean-Marie-Joseph-Théodore), 1810–1879, avait été nommé commandant supérieur de la Garde nationale, le 20 mars, par M. Thiers.
  2. Tirard (Pierre-Emmanuel), député, puis ministre (1827–1893), maire de Paris, IIe arrondissement ; nommé membre de la Commune le 26 mars, il donna sa démission et dut s’enfuir à Versailles.