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les affaires du Ritualisme, et particulièrement la reprise des vêtemens qui n’étaient plus en usage. Je n’avais aucune fonction dans l’Église qui m’autorisât à parler publiquement… Dans ces dernières années, quand le Ritualisme est devenu plus en vue, j’ai cherché une occasion naturelle de m’en séparer, je ne l’ai pas trouvée. J’ai été obligé, pour cette raison, de m’en tenir à des protestations privées qui ont pu ne pas être entendues, ou à des avertissemens donnés au jeune clergé, du haut de la chaire de l’Université, pour le mettre en garde contre le danger de changer le rituel par caprice personnel[1].


Mais, en 1866, l’attitude de Pusey est toute différente. Il se décide à s’affilier à l’English Church Union, dont il était demeuré jusque-là éloigné, probablement parce qu’il la trouvait trop engagée dans la campagne ritualiste, et, le 14 juin, dans la séance solennelle où est célébré le septième anniversaire de cette association, il prend la parole et explique ainsi les raisons de son changement :


Il est bien connu que je n’ai jamais été un ritualiste… A nos débuts, nous étions très inquiets au sujet du rituel… Nous le découragions, en privé, par crainte que tout : le Mouvement ne devînt superficiel… Nous sentions qu’il était beaucoup plus facile de changer un vêtement que de changer le cœur, et que les choses extérieures pouvaient être obtenues aux dépens des doctrines elles-mêmes. Introduire le rituel avant que les doctrines n’eussent pris largement possession des cœurs, aurait été entraver leur marche. C’aurait été comme des enfans enfonçant des fleurs dans le sol, pour les y voir périr aussitôt. Notre rôle était plutôt, pour ainsi dire, de planter le bulbe là où, par la bénédiction de Dieu, il pouvait prendre racine, croître et fleurir magnifiquement et naturellement… Nous pensions encore que rien ne devait être fait par le clergé, avant que ce ne fût demandé par une grande partie du peuple… Autrement on suscitait, non seulement des désordres, mais une idée de tyrannie cléricale… Maintenant, beaucoup des difficultés contre lesquelles nous avions eu d’abord à lutter, ont été écartées. Tout d’abord, je suppose que nous sommes en présence d’un véritable mouvement laïque. Le clergé a enseigné cela au peuple, et le peuple l’a demandé au clergé. Nous le leur avons enseigné, ils ont senti que c’était vrai, et ils nous ont dit : « Mettez-nous cela devant les yeux. » Il n’y a maintenant aucun danger que ce soit superficiel. Après trente années de souffrance, trente années de mépris, trente années d’épreuves, rien ne peut ‘plus être superficiel[2].

  1. Life of Pusey, t. IV, p. 211 et 212.
  2. Life of Pusey, t. IV, p. 212-213. History of the English Church Union, p. 78-69.