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causés par des bulles d’air, par des corps durs ou du sable resté dans la pâte.

Sous l’influence des progrès multiples réalisés dans la fabrication, les prix se sont partout abaissés : l’assiette de Sèvres, dorée et chiffrée, se vend à la manufacture de5fr. 30 à 5 francs, suivant qu’elle est creuse ou plate. A Limoges le même service de douze couverts, en porcelaine fine décorée de fleurs, qui valait 300 francs en 1870, et 120 francs il y a quinze ans, coûte aujourd’hui 60 francs. En faïence, où la solution du problème complexe de faire beau, utile et bon marché, semblait plus difficile parce qu’il y avait moins de marge à la baisse, on est parvenu à établir de jolis services à 25 francs, et la douzaine d’assiettes blanches communes, que l’on cotait 3 francs en gros, il y a un tiers de siècle, est maintenant cédée pour 1 fr. 25.

Cependant, cette « faïence fine, » qui de l’ancienne n’a rien conservé, ni la substance ni la « couverte, » est d’une tout autre solidité. Malgré leurs efforts, malgré l’exportation qui s’élève annuellement à 65 millions de francs, pour les poteries et les cristaux, la concurrence internationale oblige nos industriels à s’ingénier sans cesse pour conserver le terrain conquis. Encore est-ce à grand’peine : jusqu’à 1870, nous fournissions l’Allemagne, jusqu’à 1885, la Russie, jusqu’à 1895, l’Amérique. Nos cliens se font producteurs à leur tour et quelques-uns rivaux. Vainement un « cartel » s’est noué entre les six grandes faïenceries : Sarreguemines, Lunéville, Longwy, Choisy-le-Roi, Gien et Montereau, qui représentent ensemble les deux tiers de la production française, en vue de maintenir quelque peu les cours.

L’Angleterre fabrique deux fois plus de faïences que nous ; en Allemagne poussent des sociétés géantes comme celle de Villeroy et Boch, la plus puissante du monde, qui occupe 7 000 ouvriers en divers établissemens. Ces deux pays luttent avec nous, au dehors et jusque sur notre propre marché, avec des armes qui nous manquent : l’un a le charbon moins cher, l’autre la main-d’œuvre à meilleur marché. Il ne nous suffirait pas de multiplier les machines et de perfectionner l’outillage, pour-réduire les frais de façon, si nous ne conservions encore la supériorité sur le terrain artistique, pour la forme et la décoration. Grâce à elle, la céramique, avec les 23 000 ouvriers qu’elle occupe, réalise en France un chiffre de plus de 80 millions de francs, répartis à peu près par moitié entre la faïence et la porcelaine.