Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 27.djvu/109

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

importé à Douai, vers cette époque, la fabrication de la faïence fine et que de chez eux soient sortis, un à un, les contremaîtres qui, à leur tour, créèrent les manufactures actuelles. Car presque toutes celles qui sont florissantes aujourd’hui sont modernes : celle de Gien a été fondée en 1820, celle de Choisy-le-Roi en 1804 ; tandis que dans les anciens centres renommés de Nevers, Strasbourg, Rouen ou Marseille, les patrons, fidèles à des méthodes vieillies qu’ils se refusaient à changer, durent fermer peu à peu leurs fabriques.

À Rouen, on comptait 18 faïenciers en 1786 ; à la fin du premier Empire, il n’en restait plus. À la belle époque (1650), il se trouvait à Delft 43 manufactures occupant 10 000 ouvriers ; en 1764, il y en avait encore 29 ; en 1794, il n’en subsistait plus que 10. Il n’y en a qu’une aujourd’hui, elle est récente et l’on y fait… de la « faïence fine. » C’est aussi à cet « ironstone, » ou pierre de fer, à ce « granitpearl, » comme on l’appela d’abord, que s’est consacrée la seule des célèbres marques françaises de jadis qui ait survécu à l’ancien régime : celle de Lunéville, fondée en 1731, qui, depuis cent vingt ans, continue d’être dirigée de père en fils par les descendans de Sébastien Keller, son propriétaire d’avant la Révolution. Ici les générations nouvelles, immuablement attachées à la cité lorraine, à l’administration de laquelle elles président encore de par le vœu populaire, ont assez élargi les ateliers ancestraux pour faire aujourd’hui trois millions d’affaires et occuper 1 200 ouvriers ; mais ç’a été au prix de transformations radicales que la maison Keller et Guérin s’est maintenue et développée à Lunéville.

Blanche comme la porcelaine, comme elle composée de kaolin, de sable et de feldspath, et vitrifiée parfois comme elle, la « faïence fine, » la seule à peu près qui se fabrique de nos jours, ne conserve son caractère que par la proportion d’argile étrangère ou champenoise qu’elle contient et qui s’oppose à la transparence. Pour en faire une vraie « porcelaine, » il suffirait, sans rien retrancher de ses autres élémens, d’y ajouter du phosphate de chaux, sous forme d’os de mouton, dégraissés, calcinés et broyés. Ce serait alors de la « porcelaine anglaise, » suivant le type que créèrent chez nos voisins Spode ou Thomas Minton, qui n’a pas varié depuis un siècle. C’est en grande partie avec les squelettes des ruminans du Nouveau Monde que se fait la pâte des tasses où les Anglais boivent leur thé. Les os viennent en