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Ce jugement n’était pas rendu depuis dix jours que la Church Association, toujours acharnée, envoyait à S. Alban des espions, gagés à raison de deux guinées par jour, et, sur leur rapport, poursuivait de nouveau Mackonochie pour élévation et génuflexion illicites. En dépit des attestations contraires, le Conseil privé jugea, le 25 novembre 1870, que l’inculpé avait dépassé la mesure permise dans l’élévation des élémens, qu’en substituant à la génuflexion une « humble prosternation du corps en signe de respect, » il avait désobéi au monitoire, et que, pour ce crime, il ne suffisait plus, comme naguère, de le condamner à tous les frais, mais qu’il devait être suspendu de son office et de son bénéfice pour trois mois. Le jugement lui faisait ce reproche singulier « d’avoir soigneusement épluché le monitoire et l’ordre du Conseil pour voir jusqu’où il pourrait conserver les cérémonies prohibées, sans désobéir à la loi, » et il constatait qu’il avait échoué de nouveau dans « sa tentative de satisfaire sa conscience, tout en s’abritant derrière une obéissance strictement littérale. » Ce jugement porta au comble l’émoi et l’indignation d’une partie du monde religieux. Un cri s’éleva, dans tous les rangs de l’English Church Union, qu’à de telles décisions l’obéissance était impossible. Des adresses furent envoyées à Mackonochie, déniant au Conseil privé « le droit de suspendre l’exercice des pouvoirs spirituels conférés par l’autorité divine de l’Épiscopat, » et témoignant de la volonté « d’user de tous les moyens pour faire recouvrer, par l’Eglise d’Angleterre, ce pouvoir de décider les causes spirituelles, qui est son droit essentiel[1]. »

Si acharnée qu’eût été la poursuite, on ne voit pas qu’elle fût arrivée à un résultat bien efficace. Durant la suspension de Mackonochie, les services continuèrent à S. Alban, comme par le passé, et lui-même, en reprenant ses fonctions au bout de trois mois, ne changea rien à ses habitudes. Ses adversaires étaient-ils un peu las ? Toujours est-il que, pour le moment, ils se tinrent cois. Ils n’avaient pas cependant définitivement désarmé, comme on le verra par la suite.

Au milieu de ces épreuves, Mackonochie demeurait imperturbable. Vainement était-il traqué par les poursuites, ruiné par les frais, bruyamment attaqué par presque tous les journaux,

  1. History of the English Church Union, p. 130-131.