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se tirer avec honneur de la tâche qui lui est dévolue. 130 000 hommes, officiers, matelots et fusiliers, montent ces innombrables bâtimens. Le matériel et le personnel se valent. On aurait pu croire qu’il n’y avait plus qu’à maintenir, sans plus de changement, l’instrument de guerre dans son état de perfection. Or, dans les derniers mois, l’administration navale a surpris l’opinion par l’annonce de transformations si radicales, si profondes, que le mot de révolution a été prononcé. Celui d’évolution suffisait bien, car les mesures adoptées par l’Amirauté et portées à la connaissance du public, sous une forme un peu théâtrale peut-être, par le premier lord, ne sont, en réalité que des conséquences naturelles, logiques, de l’expansion de la flotte.

Les mesures énoncées dans le mémorandum du 6 décembre 1904, au sujet desquelles lord Spencer interrogeait le 22 mars à la Chambre haute son progressif successeur, se ramènent aux trois points suivans : radiation de la flotte de tous les navires démodés, sans valeur de combat ; répartition nouvelle des forces navales actives en Europe et dans les autres parties du monde ; nouvelle organisation de la réserve navale et nouveaux procédés de mobilisation de la flotte de réserve. Le résultat de ces grandes transformations, a dit avec assurance lord Selborne, sera, avec moins de dépenses, une plus grande efficacité de la flotte. En effet, l’Angleterre, en 1905, va dépenser 88 millions de francs de moins pour sa marine qu’en 1904 (843 millions au lieu de 931), et cependant sa flotte sera plus en état qu’elle ne l’a jamais été de battre tous ses ennemis possibles[1].

  1. Le budget naval pour 1904-1905 s’élevait à £ 36 889 000, non compris les crédits spéciaux pour les Naval Works ou travaux de fortifications maritimes (pour Gibraltar principalement, aussi pour Rosyth, la nouvelle base navale sur la côte écossaise dans la mer du Nord), qui portaient le total à plus de £ 40 millions (un milliard de francs). Le budget de 1905-1906, qui fut présenté, le 2 mars dernier, au Parlement avec l’exposé habituel du premier lord de l’Amirauté, ne s’élève qu’à £ 33 389 000, présentant sur l’ensemble des crédits de l’année précédente une diminution de £ 3 500 000 ou près de 90 millions de francs. Ainsi se vérifiait la déclaration faite par lord Selborne dans son mémorandum de décembre 1904, que la nouvelle organisation et le nouveau système de répartition de la flotte auraient pour résultat une économie importante dans le budget de la marine, en même temps que serait augmentée dans une large mesure la force de combat (lighting efficiency) de la flotte. Sur cet engagement, l’opinion s’était attendue à une diminution du total des crédits, mais on n’avait pas supposé qu’elle pût être aussi forte.