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viser la puissante flotte des États-Unis, celle du présent ou celle de l’avenir, évoquée par lord Selborne, ce plan a été en grande partie inspiré par des considérations d’un ordre tout contraire.

On sait comment le gouvernement américain entend interpréter aujourd’hui la vénérable doctrine de Monroe. Le maintien du statu quo dans le nouveau monde, en ce qui regarde les puissances européennes, est le principe directeur de cette interprétation. Les États-Unis ne permettront pas à une puissance de l’ancien monde d’acquérir de nouvelles possessions territoriales en Amérique. Dès lors, les Antilles anglaises ne se trouvent-elles pas aussi bien protégées (contre une agression européenne, bien entendu) que le sont Cuba et Porto-Rico, et ne devient-il [pas inutile d’y entretenir des stations navales et des garnisons ?

Ceci peut paraître une boutade. Protégées de cette façon contre une agression européenne, bien problématique, que deviennent les Antilles anglaises devant les États-Unis ? Elles ne courront aucun risque, si, avec M. Archibald S. Hurd, fort compétent sur les choses navales d’Angleterre, on admet que le plan nouveau de répartition des flottes est fondé : sur une appréciation raisonnée de la situation stratégique en Europe ; sur une conception toute moderne de la mobilité des nouvelles forces navales ; enfin sur la reconnaissance de l’amitié des États-Unis. C’est ce dernier point qui vaut d’être examiné.

Il n’y a pas de limite pratiquement assignable à l’énorme accroissement de la flotte de l’Ouest. Les États-Unis ont déjà douze grands cuirassés en service et un budget naval d’un demi-milliard de francs. Rien ne les empêchera, s’ils le veulent absolument, d’avoir, d’ici quelques années, cinquante cuirassés et un budget de 1 200 millions. Mais le peuple américain est un peuple pratique, et, s’il peut concilier ses ambitions impérialistes avec une sage économie, il le fera. Or le Sun, un journal de New-York, publia, dans les derniers jours de décembre 1904, un article dans lequel il suggérait une coopération des marines des États-Unis et de la Grande-Bretagne dans des conditions analogues à celles qui régissent l’alliance entre la Grande-Bretagne et le Japon.

Le Times, commentant cet article sur un ton de satisfaction bien naturelle, dit que l’on y pouvait trouver un témoignage de sympathie du peuple américain pour le peuple anglais.