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La délibération fut courte. A l’unanimité, on décida que les neuf prévenus étaient coupables et que ceux qu’on avait pu saisir resteraient prisonniers jusqu’à leur condamnation définitive. Lentulus était préteur et, les magistrats étant inviolables, ne pouvait être poursuivi qu’après être sorti de charge. On venait de voir le consul, respectant jusqu’à la fin la dignité dont l’accusé était revêtu, le conduire au Sénat par la main, tandis que ses complices y étaient amenés entre des soldats. Pour supprimer toute apparence d’illégalité, Lentulus fut pressé d’abdiquer, et il y consentit. On vota ensuite des remerciemens au consul « pour avoir préservé la ville de l’incendie, les citoyens du massacre, l’Italie de la guerre civile. » Des éloges furent accordés aux préteurs pour leur conduite dans l’affaire du pont Milvius. Antoine lui-même, l’autre consul, eut aussi sa part : on ne pouvait pas le féliciter du bien qu’il avait fait ; on le remercia de s’être abstenu de faire du mal. Les Dieux ne furent pas oubliés ; on décida de leur adresser ces prières solennelles d’actions de grâces qu’on appelait des supplications. On ne les votait jusque-là qu’après quelque victoire, et pour glorifier le général qui l’avait remportée ; c’était la première fois qu’on faisait cet honneur à un citoyen qui ne commandait pas des armées et n’avait pas cessé de porter la loge. On comprend que Cicéron ne manque pas de le l’aire remarquer.

Le jour baissait ; il était accablé de fatigue, et pourtant il lui restait quelque chose à faire. Il sortit du Sénat pendant qu’on achevait de rédiger les derniers décrets, et parut au Forum, où une foule immense était réunie : elle attendait qu’on lui fit savoir ce qui venait de se passer. Remarquons à cette occasion à quel point la vie politique était intense dans ces républiques anciennes. Les communications ne cessaient jamais entre le peuple et ses magistrats. Directement, sans intermédiaire, sans aucun retard, il était tenu par eux au courant de ce qui pouvait l’intéresser dans ses affaires. Rome, au moment même où elle devenait maîtresse du monde, était encore une ville municipale, comme les petites communes du Latin m et de la Sabine, et elle en avait conservé toutes les habitudes. Pour contenter l’impatience des citoyens affamés de nouvelles, Cicéron monta immédiatement à la tribune et prononça la troisième Catilinaire.

Elle a le même intérêt que la seconde ; vivante, comme elle, passionnée, populaire, elle contient d’abord le résumé de la