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lui paraît si singulier qu’il se demande s’il l’a bien compris. En deux mots, et sans phrases, la question qui se débat est nettement exposée : « Des citoyens de la plus haute naissance ont comploté de mettre le feu à Rome ; ils appellent aux armes la nation gauloise, notre plus terrible ennemie ; le chef des révoltés avec ses soldats est prêt à tomber sur nous ; et vous hésitez encore, vous demandant ce qu’il faut faire de ces traîtres qui se sont laissé prendre dans vos murs ! » En vérité, il semble qu’on ignore quelle est la situation véritable. On parle comme si la bataille était définitivement gagnée et la lutte terminée. On oublie qu’elle dure encore : et qu’elle peut mal finir : « Nous sommes entourés de tous les côtés ; Catilina nous tient à la gorge avec une armée. Ici même, au cœur de Rome, d’autres ennemis surveillent tous nos mouvemens. Nous ne pouvons rien faire qu’ils n’en soient aussitôt avertis. » Pour peu qu’on hésite, tout sera perdu. Il ne s’agit pas d’attendre que le crime qui se prépare ait été commis pour le punir. Si on ne le prévient pas, Rome, avec tout ce qu’elle renferme, est menacée de périr. « Au nom des dieux immortels, c’est à vous que je m’adresse, à vous qui tenez plus à vos maisons, à vos villas, à vos statues, à vos tableaux qu’à votre patrie. Si ces biens, quels qu’ils soient, auxquels vous êtes si attachés, vous tenez à les conserver, si vous voulez continuer à jouir de ce repos favorable à vos plaisirs, réveillez-vous à la fin, et prenez en main l’intérêt public. Tout peut être sauvé par un acte de vigueur. Plus on montrera d’énergie, plus ils perdront de courage. Pour peu qu’on faiblisse, on les verra se lever de tous les côtés et l’on ne pourra plus leur tenir tête. Qu’on songe bien que ce n’est pas seulement du sort de Lentulus et de ses compagnons, c’est de Catilina et de tous les siens que le Sénat va décider. » — « Voici donc, dit-il en finissant, quelle est mon opinion : Puisque ces misérables ont fait courir à la république les plus grands dangers, qu’ils sont convaincus par le témoignage de T. Vollurcius et des députés Allobroges, ainsi que par leurs propres aveux, d’avoir préparé le meurtre, l’incendie et d’autres attentats abominables contre leur patrie et leurs concitoyens, j’opine qu’ils ont mérité la peine qu’on inflige aux gens saisis en flagrant délit d’un crime capital et qu’il faut les punir, selon l’usage des ancêtres, du dernier supplice. »

« Il s’assit, dit Salluste ; aussitôt tous les consulaires ainsi