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Tullianum, il prenait beaucoup de peine pour organiser sa petite troupe. Il en formait des cohortes et des légions, il lui procurait des armes, il cherchait à lui donner l’apparence d’une armée. Il y aurait réussi sans doute, car il avait les qualités d’un soldat et d’un général ; mais dès qu’on connut à Fæsulæ ce qui venait de se passer à Rome, ce fut une débandade. Les plus timides, les moins compromis s’en allèrent ; il ne resta que ceux qui étaient décidés à se battre et à mourir. En même temps arrivaient les troupes de la république. Q. Metellus, accouru de la Gaule avec ses trois légions, fermait le passage à Catilina, s’il voulait s’échapper par les Apennins. En face de lui, on amenait celles qu’on avait levées en toute hâte autour de Home, et dont, selon l’usage, on avait donné le commandement à l’autre consul, Antoine. On allait donc voir les deux complices qui avaient trempé ouvertement dans les mêmes complots, en venir aux mains. Mais Antoine, au dernier moment, trouva un prétexte pour s’éloigner, et abandonner le commandement à Petreius, un officier de fortune qui fut lieutenant de Pompée en Espagne. Catilina et ses soldats, serrés des deux côtés et ne trouvant pas d’issue pour s’échapper dans cette plaine étroite, se firent bravement tuer jusqu’au dernier. Après la bataille, quand on releva les morts, on put se rendre compte de l’audace et du courage qu’ils avaient déployés. « Le corps de chacun d’eux couvrait encore la place qu’il occupait de son vivant. Ils étaient tous tombés à leur rang et frappés à la face. Quant à Catilina, on le trouva un peu en avant, entouré d’un tas de cadavres. Il respirait encore et son visage gardait cette indomptable fierté qu’il avait toujours eue pendant sa vie. »

Cicéron ne jouit pas longtemps de sa victoire. Il avait toujours eu beaucoup d’ennemis ; l’éclat de son consulat en augmenta le nombre. L’aristocratie aurait dû le soutenir ; mais elle ne l’avait jamais aimé et, en la débarrassant de ses ennemis, il lui permit d’être impunément ingrate. Le peuple lui en voulait d’avoir abandonné son parti. On eut soin d’exciter et d’entretenir son ressentiment en rejetant sur lui seul la punition des conjurés. Un mois ne s’était pas écoulé depuis les nones de décembre, Cicéron se préparait, à sa sortie de charge, à haranguer le peuple pour lui rappeler ce qu’il avait fait ; un tribun l’en empêcha, sous prétexte qu’on ne devait pas permettre de parler à celui qui n’avait pas laissé des citoyens se défendre, et il ne l’autorisa qu’à