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avoir inventé la momification des corps de leurs concitoyens en vue d’une conservation indéfinie qui leur permît d’attendre la résurrection ou la transformation future, ils momifiaient avec autant de soin et par des procédés presque aussi parfaits, tous les animaux morts qui avaient vécu autour d’eux, et non pas seulement certaines espèces considérées comme sacrées au dire d’Hérodote. Ces sages, auprès desquels les Grecs et les Romains instruits venaient terminer leur éducation, ne devaient point se livrer à une pratique aussi extraordinaire sans en avoir de sérieuses raisons religieuses ou philosophiques. Et c’est pourquoi l’étude des momies animales entassées par milliards dans les puits funéraires et les hypogées, ou bien cachées dans les sables des nécropoles, peut contribuer à la solution d’un mystérieux problème d’ordre psychique auquel, jusqu’à ce jour, on n’a su trouver aucune réponse entièrement satisfaisante.

On voit assez, d’un autre côté, l’intérêt que peuvent présenter ces recherches, au point de vue du transformisme. L’illustre Jomard, pendant l’expédition de Bonaparte, probablement sous l’influence de Geoffroy Saint-Hilaire, avait déjà entrevu ce côté de la question. Dans la description de Thèbes, il dit en effet, avec une clairvoyance bien digne d’être rappelée : « Ces diverses momies et ces débris d’animaux serviront aux naturalistes à reconnaître les espèces qui habitaient l’Egypte à une époque reculée. Il n’existe aucun autre moyen pour constater sûrement la différence ou l’identité des individus actuels avec les anciens, et pour prononcer sur une grave question, savoir : l’invariabilité que conservent les formes spécifiques et essentielles des animaux à travers la durée des siècles. » En effet, nous admettons aujourd’hui, depuis les admirables travaux de Darwin, que les êtres vivans doivent tous se transformer dans leur morphologie et leur structure intime, lorsque les conditions climatériques au milieu desquelles ils vivent se modifient dans le cours des temps ; ou bien si la lutte pour l’existence leur impose certaines dispositions anatomiques ou physiologiques favorables pour l’attaque ou la défense. Les éléphans de la Sibérie se sont couverts d’une laine protectrice contre le froid, longue de près de cinquante centimètres, tandis que leurs congénères qui vivent dans les régions tropicales ont gardé une peau à peu près nue, parsemée seulement de poils très espacés, ne pouvant être d’aucune utilité pour résister à l’abaissement de la température. Les insectes, les