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Croix ; on le voit subitement s’avancer vers l’autel, saisir le Crucifix et le brandir en criant à haute voix : « Je proteste contre cette idolâtrie ! » Le signal donné, des scandales du même genre se reproduisent, chaque dimanche, dans beaucoup d’autres églises ritualistes. Kensit a recruté, pour l’aider dans cette besogne tapageuse, une « brigade de défense protestante, » qui opère à Londres et dans toute l’Angleterre. Les esprits s’échauffent, et, sur plusieurs points, il en résulte des bagarres. À cette agitation de bas étage, qui dégoûte les délicats mais n’est pas sans action sur le vulgaire, des hommes politiques considérables ne dédaignent pas de faire écho. Sir William Harcourt, l’un des leaders du parti libéral[1], légiste et financier renommé, imbu des idées de l’érastianisme protestant, publie, dans le Times, jusqu’à dix-neuf lettres où, s’attaquant avec une vigueur peu commune aux pratiques ritualistes, il dénonce ce qu’il appelle the lawlesness in the Church et s’en prend de ce mal à la négligence ou à la connivence des évêques.

Ceux-ci sont fort embarrassés. Ils n’ont au fond aucun désir de voir recommencer une campagne de coercition dont ils connaissent par expérience l’impuissance et le danger ; mais ce grand bruit les intimide. Quelques-uns font plus ou moins chorus avec les accusateurs du Ritualisme. Sur le siège primatial, Benson, mort en 1896, a été remplacé par Temple, dont la fermeté et la droiture ont quelque autorité sur l’opinion. Le nouvel archevêque essaye d’une attitude modératrice et intermédiaire ; tout en blâmant, sur plusieurs points, le nouveau cérémonial, il écarte les voies de rigueur, et fait, sur les questions de doctrine, notamment sur l’Eucharistie, des déclarations encore ambiguës, mais penchant un peu vers le High Church. L’irritation des protestans en est accrue. Dans un meeting formidable du 31 janvier 1899, le nom du primat est accueilli par les cris de : « Traître, traître ! fusillez-le ! » Appel est fait au Parlement, pour qu’il se substitue aux évêques et fasse respecter la légalité dans l’Église. De leur côté, les Ritualistes, au premier moment un peu abasourdis par la violence de l’explosion, reprennent leurs esprits. Par la voix de lord Halifax et de clergymen importans, ils signifient leur résolution de « ne pas reconnaître à la Couronne ou au

  1. Il est mort récemment, au commencement d’octobre 1904.