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placée sous le patronage du saint catholique dont on portait encore l’image dans les Parades, en compagnie de celles de Bacchus et de Cérès : car la Réforme, en renversant les images des : autres saints, avait fait exception pour celui-là. A défaut des documens détruits par le feu, la Commission invoquait à l’appui de sa thèse un ancien arrêt baillival, et l’inscription placée en tête du premier Manuel. Cet arrêt, rendu le 28 juillet 1644 par le bailli Th. Morlot, accordait une sanction officielle à la juridiction exercée sur les vignerons négligens par la confrérie, dont il reconnaissait du même coup l’utilité et l’ancienneté : puisque sans son intervention, « plusieurs pièces de vignes seroient déjà tombées et réduites en misérable frische, au grand dommage et perte de plusieurs bons seigneurs qui confient le factage de leurs vignes soubs la foy publique, voire des vignerons qui se laissent emporter à la fainéante paresse dont les exemples ne sont que trop communs des vignobles circonvoisins[1]. » Quant à l’inscription qui ouvre le premier Manual, elle établit que le 20 juin 1647, « sage et prudent Créthien Montet, sieur abbé de la vénérable Abbaye de l’Agriculture de Vevey dite de Saint-Urbain…, a fait présent à dicte Abbaye du présent livre, pour dans iceluy enregistrer, minuter et anoter les choses ; et faicts qui se passeront en dicte Abbaye, pour servir de mémoire à l’advenir, à leur postérité[2]. » Les historiens modernes, plus sévères que la Commission de 1789, se refusent à tirer une conclusion précise du second de ces documens, qui ne leur paraît point établir l’existence d’autres registres que le feu aurait détruits ; et M. G. Renard, dont la Notice est fort judicieuse, n’a garde de rien affirmer sur ce point. Toutefois, la présence de Saint-Urbain aux parades lui paraît montrer que la Confrérie. existait avant l’établissement de la Réforme, c’est-à-dire avant l’année 1536, parce qu’il trouve improbable que les vignerons « se fussent mis sous le patronage d’un saint aussitôt après l’introduction de la Réforme dans le pays de Vaud[3]. » L’explication semble plausible, sans être décisive : est-il plus probable, en effet, que les premiers Réformés, dans leur zèle de nouveaux1 convertis, eussent maintenu dans ses droits un saint, et que le gouvernement bernois l’eût toléré ? Donc, si l’on peut conclure

  1. Publié par De Mellet, p. 7.
  2. Ibid., p. 5.
  3. Notice, p. 14 et 15.