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meilleurs cultivateurs ; ce but ne se perdra jamais, et si une fois la Société peut trouver le moyen de grossir ses capitaux elle le développera d’une manière bien encourageante pour l’agriculteur et bien avantageuse pour les vignerons qui se seront distingués, jusques à présent l’on n’a pas eu le bonheur d’y réussir. »

On peut dès maintenant admirer l’esprit de suite, le robuste traditionalisme qui inspire les conseils de la Confrérie : ils poursuivent de longs desseins, avec la tranquille persévérance qu’ont si facilement les hommes, quand ils sont les outils consciens d’une œuvre collective ; ils ne se découragent point quand quelque incident vient arrêter leur marche, ni quand ils comparent leur but aux moyens dont ils disposent ; ils font de leur mieux, sous leur devise : Ora e labora, en gardant la confiance que les fils achèveront ce qu’ont commencé leurs pères. Tout cela le plus gaîment du monde, parce que le pays est beau, le vin bon, les baillis de Leurs Excellences assez traitables. Ils ont d’ailleurs un sentiment vif et juste de l’intime union qui existe entre leur Société et la vie nationale, si ce mot peut être employé : ainsi, en 1781, on les voit renoncer d’eux-mêmes à leur fête, quoique les récoltes s’annoncent bien, en raison des troubles voisins. La République de Genève, agitée par les revendications des Natifs, qui avaient succédé à celles des Représentans, était alors en pleine révolution. D’un moment à l’autre, les troupes de Leurs Excellences pouvaient être appelées à intervenir, comme il arriva effectivement l’année suivante. Le Conseil de la Confrérie, après avoir examiné la question, prit une décision longuement motivée, où l’on peut lire « que des réjouissances aussi publiques que cette parade à côté de peuples et de voisins qui sont, les uns dans la plus amère affliction, les autres dans la plus grande perplexité, pourroient déplaire à nos Seigneurs, et nous donneroient à nous-mêmes bien peu de satisfaction[1]. » En 1789, nous les voyons de même renoncer à leur fête, parce que le bailli est malade, et qu’il ne leur semblerait pas « décent » d’en faire seulement la proposition[2]. L’année suivante, ils la renvoient encore, « par une suite de circonstances malheureuses, non seulement pour cette ville, mais pour tout le pays, étant persuadés que notre auguste Souverain et son Représentant notre très noble Seigneur Bailli verroient de mauvais œil une fête de

  1. Manual, 10 juin 1781.
  2. Ibid., 18 juillet 1789.