Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 27.djvu/691

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ils avaient des chambres d’hiver et des chambres d’été, que dis-je ? des chambres pour toutes les heures du jour, des promenoirs largement aérés et munis de baies vitrées qui s’ouvraient ou se fermaient, selon que c’était l’Auster ou le Zéphyr qui soufflait, — des bibliothèques en forme d’absides, coupées de hautes fenêtres qui permettaient de jouir de tous les points d’un beau paysage et suivant le charme de l’heure ou de la saison, de trouver le cadre approprié à une lecture de choix, — des canaux d’eau courante pour rafraîchir les exèdres estivales, ruisseaux minuscules qui, serpentant parmi les fleurs et les verdures des mosaïques, favorisaient l’illusion d’une prairie, — des étuves, des salles de massage, des piscines pour les bains froids, des salles à manger, suspendues sur des rochers, ouvertes aux coups de brise et à l’écume des vagues, de façon que les convives pussent se croire en pleine mer, sur le pont d’un navire

Savons-nous enfin placer et ordonner si heureusement nos villas, que, d’un côté comme de l’autre, le paysage se compose en un véritable décor ? Il faut remonter aux palais de Versailles pour trouver, chez les modernes, quelque chose d’analogue. Et encore les architectes du Grand Roi ne se préoccupèrent-ils que de ménager une seule perspective devant la façade…

De l’endroit où je suis, j’embrasse tous les horizons qui se déployaient autour de la villa maurétanienne. Ses jardins, parfumés de violettes, de crocus et d’hyacinthes, plantés de charmilles et de quinconces, peuplés de buis à forme humaine ou animale, — ses jardins descendaient-ils jusqu’à la grève, par une série de terrasses, d’escaliers et de portiques ?… Qu’importe ! Vers quelque point que l’on se tourne, la vue est satisfaite : à droite, le dôme du Chénoa, à gauche les pylônes du cap Ténès ; par devant, la mer ; derrière, une colline à montée douce qui vient mourir sur le bleu du ciel. Cette colline est une admirable toile de fond. Des oliviers sauvages, vigoureux et touffus, en escaladent les pentes d’un tel élan de sève, d’un mouvement si impétueux, avec de telles crispations de leurs racines, de telles torsions de leurs bras noueux, qu’on dirait un assaut rué vers les remparts d’une citadelle.

Mais rien ne me plaît autant que les couronnes brillantes de ces beaux arbres, aux petites feuilles allongées et ciselées, telles des lamelles d’argent. Parfois une brise passe et tout l’arbre, qui frissonne, scintille de miroitemens et de reflets, comme si des