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soutenaient la toiture. La plupart des statues qui sont réunies actuellement au musée proviennent des thermes. La salle où nous sommes en était toute peuplée : c’étaient des satyres, jouant de la flûte, agaçant des panthères, ou lutinant des hermaphrodites. De chaque côté de la piscine, dans les niches latérales, des statues de femmes et de divinités : probablement un Jupiter qui est maintenant au Louvre, un Neptune qui est au musée d’Alger et deux Vénus, dont l’une est fameuse sous le nom de Vénus de Cherchell, — copie excellente d’une statue alexandrine, inspirée par l’Anadyomène de Praxilele.

A droite et à gauche s’étendaient des promenoirs pour les baigneurs. Comme partout, le marbre y triomphait, sous forme de mosaïques, de dallages, de revêtemens de toute espèce. Par derrière, c’était le tepidarium, ou bain de vapeur tiède. On distingue très nettement les piles de briques qui formaient le sous-sol superposé aux chaufferies, la trace des tubulures en terre cuite qui amenaient dans les chambres la chaleur douce des fourneaux. Enfin, dans le même axe que le frigidarium, une salle assez spacieuse communiquait avec le caldarium, grande pièce en forme d’abside où se prenaient les bains chauds. Ici encore abondaient les statues. Si l’on veut se représenter la décoration de ces salles, on n’a qu’à choisir parmi les marbres du musée et replacer dans les niches désertes, sur les bases ébréchées, le Tireur d’épine, l’Hercule à la massue, l’Esculape, le Bacchus couronné de pampres, ou l’Apollon de Calamis.

Autrefois, des voûtes épaisses recouvraient ce labyrinthe de salles, de cabines et de couloirs. Aujourd’hui, tout cela s’étale à ciel ouvert. Les racines des murs écroulés tracent, parmi les dallages à demi ensevelis sous de la terre, des compartimens réguliers, comme les carrés d’un jardin abandonné ; les piscines bâillent au milieu des décombres, telles les caves d’une maison effondrée ; et l’on dirait qu’un effroyable incendie est passé sur cette ruine, a recuit les briques qui saignent d’un rouge de sang caillé, liquéfié les cimens rosâtres, fait voler en éclats les durs granits marqués de stigmates vermeils et livides. L’abandon et le délabrement sont pitoyables. Les enfans de l’école voisine poussent leurs billes sur les figures exsangues des mosaïques qui se dissolvent en amas de petits cailloux décolorés ; des chèvres au poil ras broutent les herbes folles poussées aux interstices des pierres et achèvent de briser sous leurs pattes les éclats des