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se contentent de lui prodiguer les qualifications les plus dures ; ils l’appellent atrox, nefaria, tetra, horribilis, ce qui ne nous apprend guère que la frayeur qu’elle leur cause. Salluste pourtant nous donne un renseignement plus précis, et dont nous pouvons profiter, quand il nous dit, au début de son livre, qu’il a été décidé à choisir le sujet qu’il va traiter par la nouveauté du crime qui fut alors tenté, et du péril que courut la république, sceleris et periculi novitate. Il lui semblait donc que la conjuration de Catilina avait ce caractère particulier de différer des précédentes, et, pour la connaître, il nous faut avant tout chercher à savoir ce qu’elle avait de nouveau.

On est d’abord frappé de voir que, contrairement à ce qui était arrivé jusque-là, la politique proprement dite y tienne si peu de place. Cicéron soutient, dans un de ses momens d’optimisme, qu’après toutes les concessions que le peuple a obtenues, il n’y a rien qui puisse le séparer des chefs de l’Etat, qu’il ne lui reste plus rien à désirer, et qu’il n’a pas de motif de faire des révolutions nouvelles. C’est aller bien loin, d’autant mieux qu’on fait souvent des révolutions sans motif. Il est pourtant certain qu’en ce moment les graves questions de politique intérieure, pour lesquelles on avait livré tant de batailles, étaient résolues ou près de l’être. Depuis longtemps la plèbe avait conquis l’accès à toutes les fonctions publiques, et si l’aristocratie, grâce au prestige dont elle jouissait encore, continuait d’accaparer les plus hautes dignités, le succès de Marius et de Cicéron aux comices consulaires prouve qu’il n’était pas impossible de les lui arracher. A la suite de la guerre sociale, qui venait de finir, les Italiens avaient obtenu le droit de cité romaine, et les quelques pays, comme la Gaule cisalpine, qui ne le possédaient pas encore, ne devaient pas tarder à le recevoir. Le peuple était donc à demi satisfait, et il était naturel qu’il commençât à se désintéresser des questions qui passionnaient ses pères. Aussi n’en trouve-t-on aucune trace dans les programmes qu’on prête à Catilina. Il n’y est fait aucune allusion ni aux lois agraires, ni à la puissance tribunitienne, ni aux privilèges des classes, ni à des réformes dans la constitution. On ne voit pas non plus qu’il se soit abrité sous quelque grand nom populaire, comme ses prédécesseurs le faisaient volontiers. Ils y trouvaient ce double avantage d’hériter des partisans que le personnage avait laissés et de résumer tout leur programme en un seul mot. Il avait suffi à